Bayer dans la tourmente après la condamnation de Monsanto
Bayer dans la tourmente après la condamnation de Monsanto
Par Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)
Le géant allemand, propriétaire du semencier américain depuis juin, a perdu 10 milliards de capitalisation boursière.
Le PDG de Bayer, Werner Baumann, à Leverkusen, en Rhénanie-du-Nord–Westphalie (ouest de l’Allemagne), en février. / PATRIK STOLLARZ / AFP
Après le verdict du tribunal, la sanction des marchés : Bayer, propriétaire de Monsanto depuis le mois de juin, a dévissé en Bourse, lundi 13 août. Le cours a perdu jusqu’à 13 %, avant de se reprendre en fin de journée. En quelques heures, le géant allemand a vu partir en fumée 10 milliards d’euros de capitalisation boursière, c’est-à-dire environ 16 % du prix de rachat du semencier américain (63 milliards de dollars, soit 55 milliards d’euros).
Cette dégringolade est la conséquence directe du jugement historique rendu vendredi 10 août par la justice américaine, qui a condamné Monsanto à verser 289,2 millions de dollars (254 millions d’euros) d’indemnités à Dewayne Johnson, un jardinier américain atteint d’un cancer qu’il attribue au glyphosate, herbicide phare de la firme.
Le scénario redouté par de nombreux observateurs a pris corps : Monsanto est devenu un risque sérieux pour Bayer. Le jugement est une première. Bien que le groupe américain ait interjeté appel de la décision, celle-ci pourrait faire jurisprudence aux Etats-Unis et représenter une menace financière non négligeable pour le nouveau propriétaire de Monsanto. Actuellement, des milliers de plaintes similaires sont en souffrance devant des tribunaux américains. Lundi dans la journée, plusieurs analystes ont abaissé massivement leur objectif de cours pour l’action Bayer.
C’est le cas de la banque allemande DZ Bank, qui a diminué son objectif de cours de 112 à 86 euros, à l’instar d’autres analystes d’établissements concurrents. « Il n’est pas certain que ce jugement soit confirmé et que les autres plaintes aboutissent. Mais nous voyons au moins le risque que Bayer doive payer plusieurs milliards d’euros de dommages et intérêts. A notre connaissance, il n’existe pas de cas similaire dans le secteur agricole », alerte ainsi Peter Spengler, chez DZ Bank. « Même si nous ne connaissons pas l’issue du jugement, les risques judiciaires pour Bayer en tant que société mère ont fondamentalement augmenté », estime pour sa part dans une note Bernhard Weiniger, chez Independent Research.
Efforts de communication
Interrogé, Bayer s’est refusé à commenter la perte essuyée en Bourse. Le groupe maintient que la décision du juge américain est en contradiction avec « le poids des preuves scientifiques, les décennies d’expérience en situation réelle et les conclusions des régulateurs autour du monde qui, toutes, confirment que le glyphosate est sûr et ne cause pas le lymphome non hodgkinien », a précisé un porte-parole, lundi. Le groupe mise sur le fait que le jugement sera cassé en appel.
Combien de temps le chimiste allemand pourra-t-il s’arc-bouter sur cette position face à une opposition de plus en plus forte au sein de la population et des pouvoirs publics ? Bayer multiplie depuis quelques mois les efforts de communication afin de rassurer sur les pratiques que le nouveau groupe a adoptées pour rompre avec les méthodes Monsanto. « Il y a des choses que nous faisons différemment », déclarait Werner Baumann, son PDG, dans un entretien au quotidien Handelsblatt,au mois de juin.
Le groupe cherche à tisser des contacts avec ses opposants issus de la société civile. « Ils veulent le dialogue. C’est une démarche inédite de leur part », confirmait début juillet au Monde un responsable de la branche française d’une grande ONG de défense de l’environnement. De fait, si les sanctions boursières s’ajoutent au concert des critiques environnementalistes, l’étau va se resserrer autour du groupe allemand.