Comment « Windjammers », jeu vidéo méconnu de 1994, est redevenu d’actualité
Comment « Windjammers », jeu vidéo méconnu de 1994, est redevenu d’actualité
Par William Audureau
Grâce à une communauté française très active, le jeu de freesbee, autrefois réservé à une élite, a enfin atteint un large public. Une suite a été annoncée le 20 août.
Dotemu a annoncé le retour de « Windjammers », une licence de 1994 qui a mis vingt ans à devenir populaire. / DotEmu
Vingt-quatre ans après son lancement, le jeu de freesbee Windjammers revient. L’éditeur français Dotemu, spécialisé dans les rééditions de classiques vidéoludiques, a annoncé lundi 20 août la sortie en 2019 de Windjammers 2 sur Switch et PC, et cette annonce a pris bien du monde au dépourvu.
Pour ceux qui étaient déjà en âge de manier un stick dans les années 1990, le jeu de freesbee imaginé par les Japonais de Data East est emblématique d’un certain savoir-faire propre aux bornes d’arcade. Son cadre est paradisiaque, sa direction artistique colorée, sa prise en main immédiate et son action survoltée. A l’image d’autres jalons de l’arcade comme Pong, OutRun ou Street Fighter II, Windjammers chante d’une même voix l’insouciance, le challenge et le divertissement.
Windjammers 2 - Announcement Trailer
Durée : 00:43
Un jeu de freesbee pour les fortunés
A l’époque, le titre n’est connu que de ceux qui sont en âge de fréquenter les salles de jeu et les cafés, ou les quelques fortunés capables de s’offrir son unique adaptation console, celle de la Neo Geo, alors console la plus chère du marché. Ceux qui s’y adonnent tombent vite sous le charme de cette espèce de Pong survitaminé, où chaque joueur doit marquer des points en jetant le freesbee sur les cibles derrière son adversaire. Mais il reste malgré tout peu connu du grand public, la faute à sa distribution limitée et élitiste.
SNK NEO•GEO CD: WINDJAMMERS
Durée : 07:37
Il faut attendre l’explosion d’Internet et des émulateurs de ROM — des logiciels permettant d’accéder à la version dématérialisée d’anciens titres — pour qu’une nouvelle génération découvre ce classique insoupçonné. « Le jeu, et grosso modo la logithèque de la Neo Geo, ont grandement bénéficié de la démocratisation des émulateurs sur la seconde moitié des années 1990. Ça fait plus de vingt ans que pas mal de monde y joue de manière officieuse », resitue Prof Oz, ancien chroniqueur pour LaCazRetro, un podcast spécialisé dans la pratique de jeux vidéo anciens.
Le jeu a un potentiel évident en tournois. Des logiciels spécifiques comme GGPO et FightCade permettent justement d’organiser des matchs à distance, par Internet. Alors que la scène e-sport amatrice commence à s’organiser autour de quelques titres compétitifs simples et fédérateurs, comme Street Fighter II et ses suites, Windjammers commence à se constituer une petite communauté d’adeptes.
From Bretagne with love
C’est en France que se constitue la plus grande secte des « adorateurs du disque volant », comme se plaît à les appeler le magazine spécialisé Canard PC dans un dossier de 2016. A titre de comparaison, le compte Twitter officiel de la licence compte quelque 4 000 abonnés, dont un quart de Français, si l’on en croit les statistiques de Windjammers France. Un festival sert tout particulièrement de tremplin : le Stunfest, à Rennes, où se tient, chaque année depuis 2005, le principal rendez-vous des amateurs de jeux compétitifs rétro japonais.
C’est là que quelques années plus tard les premiers tournois majeurs de Windjammers débutent, raconte Brice, 31 ans, alias Eleazar, membre de la communauté Windjammers France, créée fin 2012 :
« Les pionniers ont été suffisamment motivés pour créer un forum, commencer à jouer plus régulièrement et décortiquer les mécaniques du jeu. Cela a fini par attirer du monde, et comme l’arcade est un milieu de partage, en 2013 quelqu’un leur a laissé une borne dans un coin du Stunfest pour jouer. Et chaque année il y a eu plus de monde, puis plus de matériel. En 2015, on a réussi à avoir nos finales en stream sur la grande scène. »
Depuis, le jeu est un classique du festival.
Stunfest 2018 - Windjammer TOP 3
Durée : 38:55
Le flair des Parisiens de DotEmu
Son succès ne passe pas inaperçu auprès de Dotemu, éditeur parisien spécialiste dans les rééditions et les remakes de classiques français et nippons des années 1980 et 1990, comme Another World, Little Big Adventure ou Wonder Boy : the Dragon’s Trap. « Malgré sa simplicité d’apparence, le jeu a une profondeur de ouf », observe alors le PDG de Dotemu Cyrille Imbert, cité par Numerama, en étudiant Windjammers. L’entreprise rachète ses droits, et, à l’été 2017, relance le jeu sur PlayStation 4 et PS Vita.
La suite, c’est un éditeur bien déterminé à transformer son jeu de freesbee d’antan en nouveau classique de l’e-sport détente, sur le modèle du jeu de football-voitures Rocket League. Et une communauté française, majoritairement implantée entre Nantes et Brest, qui jubile.
A l’été 2018, le jeu est pour la première fois représenté à l’animEVO, le off du plus grand événement mondial annuel de jeux de combat, l’EVO, à Las Vegas. 256 compétiteurs s’y opposent, contre 64 dans les tournois français. « Mais ce sont trois Français de chez nous qui ont pris les trois premières places », savoure Eleazar.
[Discmania 3] Grande finale (Soon VS Pyrotek)
Durée : 11:54
Pour Dotemu, ce ne peut être qu’un début, comme en atteste l’annonce inattendue d’une suite, vingt-quatre ans après ses débuts discrets. « C’était vraiment passionnant de faire grandir la communauté Windjammers ces deux dernières années, et cette croissance nous a permis d’envisager cette superbe opportunité de continuer à innover sur ce gameplay intemporel et fun, écrit Cyrille Imbert dans un communiqué. Grâce à cette expérience, nous avons une idée précise de la manière dont nous pouvons créer un Windjammers 2 aussi fun et divertissant que le premier. » C’est le minimum que la communauté attend. Lundi après-midi, #windjammers2 figurait en troisième place des sujets les plus discutés sur Twitter. Du moins en France.