Le référendum anti-corruption ne passe pas en Colombie
Le référendum anti-corruption ne passe pas en Colombie
Plus de onze millions de Colombiens se sont massivement prononcés pour la mise en place de mesures anti-corruption, mais il a manqué quelques dizaines de milliers de voix pour atteindre le nombre de vote requis.
Les Colombiens étaient appelés aux urnes le 26 août. / Ivan Valencia / AP
La consultation, organisée dimanche 26 août en Colombie pour durcir les sanctions contre les corrompus, a manqué de peu le quorum requis de votants pour contraindre le Parlement à agir, mais l’opposition, initiatrice de ce scrutin inédit, ne lâche pas l’affaire.
Dans un pays où la corruption est un fléau, la consultation populaire a manqué le quorum de moins de 480 000 votants à 11 666 234, selon un décompte officiel portant sur 99,87 % des suffrages. Le quorum légal était de 12 140 342, un tiers de l’électorat.
Les initiateurs du scrutin, prévu par la Constitution de 1991 mais organisé pour la première fois, entendent désormais soumettre leurs mesures directement aux parlementaires. Le président de droite Ivan Duque a pour sa part défendu ses propres projets, plus limités et déjà déposés au Congrès.
Sept propositions
Environ 36 millions d’électeurs étaient appelés à se prononcer sur sept propositions, dont une baisse des salaires des hauts fonctionnaires et des parlementaires, la suppression de l’assignation à résidence au lieu de la prison, et le gel des biens des condamnés.
Un parlementaire reçoit l’équivalent de 10 000 dollars (8 600 euros) par mois. La diminution proposée est de 37 %, à environ 6 500 dollars (5 590 euros).
L’initiative visait aussi à restreindre le nombre de réélections (hormis pour le président de la République déjà limité à deux mandats), à obliger les parlementaires à rendre des comptes, et à ce qu’une entreprise condamnée pour corruption ne puisse signer de contrat avec l’Etat.
Projets présidentiels vs opposition
La consultation avait été promue par l’ex-sénatrice du Parti Vert (opposition), Claudia Lopez, sous la précédente législature. Soutenue par trois millions de signatures, elle avait été définitivement approuvée cette année par le Sénat.
Dimanche soir, le président Duque, qui s’était dit favorable à la consultation en dépit du scepticisme de son parti, a appelé le Parlement à voter ses propres projets. « Au-delà des résultats d’aujourd’hui, il est clair que la Colombie n’en peut plus de la corruption », a-t-il déclaré. « J’invite les parlementaires de tous les partis politiques à répondre à cette clameur citoyenne (…) avec la rapide appropriation de ce paquet législatif », a-t-il ajouté.
La consultation suscitait des réserves au sein du Centre démocratique (CD, droite), dirigé par l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010), mentor d’Ivan Duque.
Après les résultats, l’ancien chef d’Etat s’est déclaré sur Twitter en faveur de « l’approbation accélérée » des projets de son dauphin, du « gel des salaires » parlementaires et de la limitation des mandats électoraux. Bien que la consultation ait dépassé les 10 millions de voix de M. Duque à la présidentielle de juin, elle s’est heurtée au traditionnel abstentionnisme des Colombiens.
Elle s’ajoute à l’échec du « Oui » à l’accord de paix avec l’ex-guérilla Farc lors du plébiscite non obligatoire de 2016, marqué par environ 62 % d’abstention. Le pacte avait été ensuite voté par le Parlement.
« Mandat clair » au Parlement
Dimanche soir, Mme Lopez a estimé que ce vote « donne un mandat clair au gouvernement et au Congrès ». « Comme prochaine étape (…) nous présenterons mardi les sept projets de loi issus de ces sept mesures. Nous plaçons le ballon dans le camp du Congrès », a ajouté Angelica Lozano, sénatrice du même parti, à Blu Radio.
La corruption a fait perdre à la Colombie au moins 4 % de PIB entre 1991 et 2011, soit environ trois milliards de dollars au cours actuel (2,5 milliards d’euros), selon une étude récente de l’Université Externado.
Dans l’Indice de perception de la corruption, publié annuellement par l’ONG Transparency International, ce pays n’est que 96e sur 180.
Environ 2 200 personnes ont été poursuivies pour corruption par le Parquet ces 18 derniers mois, alors que le scandale des pots-de-vin versés par le groupe de BPT brésilien Odebrecht résonne encore en Amérique latine.
De son côté, le parti de la Force alternative révolutionnaire commune (Farc), issu de l’ex-guérilla marxiste dissoute, a salué la mobilisation. « Il est évident que oui, il existe une #NuevaFormaDeHacerPolitica (nouvelle forme de faire de la politique) », a twitté l’un des anciens chefs guérilleros, Carlos Lozada, l’un des dix parlementaires Farc entrés automatiquement au Congrès en juillet dernier, comme prévu par l’accord de paix.