Démission de Nicolas Hulot : une icône de l’écologie, impuissante à imposer un nouveau modèle
Démission de Nicolas Hulot : une icône de l’écologie, impuissante à imposer un nouveau modèle
Par Rémi Barroux, Sophie Landrin, Simon Roger, Pierre Le Hir
Le ministre de la transition écologique a démissionné, laissant un bilan décevant sur la plupart des grands dossiers environnementaux et climatiques.
Nicolas Hulot annonce sa démission du gouvernement
Durée : 00:49
C’est Nicolas Hulot lui-même qui en fait l’aveu : la politique écologique et climatique du gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux. « Est-ce que les petits pas suffisent à endiguer, inverser et même à s’adapter, parce que nous avons basculé dans la tragédie climatique, et bien la réponse est non », a déclaré le désormais ex-ministre de la transition écologique et solidaire, sur France Inter, mardi 28 août.
Sur les principaux dossiers de son ministère, Nicolas Hulot dit sa déception, voire son impuissance : « Est-ce que nous avons commencé à réduire les émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est non », a-t-il reconnu avant d’égrener la liste de ses échecs : la réduction de l’utilisation des pesticides, l’enrayement de l’érosion de la biodiversité, l’artificialisation des sols… Alors que tous les signaux du réchauffement sont au rouge et appellent des solutions urgentes, Emmanuel Macron n’a pas fait de l’environnement la priorité de son quinquennat. Le chef de l’Etat s’est contenté de paroles fortes et de gestes symboliques, mais n’a jamais fait la démonstration qu’il souhaitait changer de modèle économique.
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Nicolas Hulot l’a sans doute compris dès les premiers instants de son arrivée à l’hôtel de Roquelaure, avalant au fil des mois des couleuvres de plus en plus grosses. « Je ne veux plus me mentir », a-t-il confié au micro de France Inter. L’affaire de la chasse est peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Lundi 27 août, Emmanuel Macron, qui recevait le président de la puissante Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, en présence de Nicolas Hulot et de son secrétaire d’Etat, Sébastien Lecornu, aurait arbitré en faveur d’une division par deux du prix du permis de chasse (qui est actuellement de 400 euros pour la validation nationale incluant petit et grand gibier).
Défaite du nucléaire
La réforme de la chasse, promise par M. Macron aux porteurs de fusil, avait déjà donné lieu, avant l’été, à une passe d’armes entre M. Hulot et M. Lecornu. Elle ne se limite pas à la baisse du prix du permis, puisqu’elle prévoit aussi la mise en place d’une gestion adaptative des espèces, ainsi qu’un renforcement de la police de l’environnement, dans le cadre d’un regroupement, au sein d’une nouvelle structure, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et de l’Agence française pour la biodiversité. Mais la baisse du coût du permis, dont les chasseurs espèrent qu’elle permettra de « démocratiser » leur « loisir », était sans doute inacceptable pour M. Hulot, qui s’est toujours présenté comme un défenseur de la cause animale.
Depuis un an, le ministre de la transition écologique et solidaire a perdu la plupart des arbitrages, notamment contre Bercy et contre le ministère de l’agriculture. Dans la liste de ses défaites figure, bien sûr, le nucléaire. Nicolas Hulot était apparu à contre-emploi quand, en novembre 2017, à l’issue d’un conseil des ministres, il avait dû par lui-même annoncer l’abandon de l’échéance de 2025 pour la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le « mix » électrique national. Un objectif pourtant gravé dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, qui constituait le legs principal que lui avait laissé Ségolène Royal et qu’Emmanuel Macron s’était engagé à respecter. M. Hulot avait alors expliqué vouloir faire preuve de « pragmatisme », rien n’ayant été fait par le gouvernement précédent pour préparer la baisse du nucléaire.
Les discussions sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit fixer la trajectoire des renouvelables et du nucléaire pour les dix prochaines années, montraient combien le ministre de la transition écologique était isolé au sein de l’exécutif, face à un chef de l’Etat et un premier ministre ouvertement pronucléaires. Alors que M. Hulot souhaitait que cette PPE comporte un échéancier précis, avec le calendrier et le nombre des arrêts de réacteurs nécessaires pour descendre à 50 % du « mix » électrique, les arbitrages en cours laissaient prévoir un texte beaucoup plus flou, repoussant une nouvelle fois à plus tard la baisse du nucléaire. Le comble est que M. Hulot risquait, dans ce domaine, de ne pouvoir afficher comme seul bilan que la fermeture de la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim, déjà promise par François Hollande avant la fin de son quinquennat, mais qui, liée à la mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche), n’a cessé d’être différée et n’est plus attendue avant 2020.
L’un des échecs les plus humiliants de Nicolas Hulot fut son éviction de la tenue et du suivi des Etats généraux de l’alimentation, à l’automne 2017. Alors qu’il en avait fait un marqueur de son action, voulant « redéfinir un modèle agricole et alimentaire », plus sain et respectueux de l’environnement, la tenue de ce rendez-vous comme la loi qui en a découlé ont été entièrement maîtrisées par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Stéphane Travert. Avec lequel les rapports étaient plus que tendus. Sur le dossier emblématique du glyphosate, Nicolas Hulot avait affirmé son regret de n’avoir pas imposé son interdiction dans la loi sur l’alimentation, votée fin mai, justifiant de ne pouvoir tout réussir en un an.
Petite victoire
Bien sûr, le ministre de la transition écologique peut se targuer de quelques succès, ou à tout le moins, d’avoir pu limiter les dégâts. La décision d’abandonner la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à proximité de Nantes, alors que, depuis plusieurs décennies, tous les gouvernements en avaient défendu la nécessité, sans pour autant en démarrer le chantier, fut considérée comme une preuve évidente de son poids auprès d’Emmanuel Macron.
Au début de l’été, l’ex-président de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme savourait une autre petite victoire. Dans le vaste chantier, désormais reporté, de la réforme des institutions, il obtient de l’exécutif que les mots « environnement, climat et biodiversité » figurent dans l’article premier de la Constitution, et non dans l’article 34, comme l’avait pourtant annoncé le premier ministre, Edouard Philippe, en avril.
Sur le dossier de la biodiversité, il laisse un plan mais le ministre ne nourrit aucune illusion. « Je vous présenterai un plan pour la biodiversité, mais tout le monde s’en fiche, à part quelques-uns », avait lancé M. Hulot aux parlementaires, en rappelant le rythme catastrophique de l’érosion du vivant. Un plan en faveur de la biodiversité a bien été présenté début juillet, porté par un comité interministériel. Mais, donnant l’impression d’un vaste catalogue de mesures, il a été critiqué par les associations environnementales, qui jugent qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux et qu’il ne bénéficie pas de moyens financiers suffisants pour lutter efficacement contre la disparition des espèces et la dégradation des milieux naturels.
Le 6 juillet, à l’occasion du premier anniversaire de son ambitieux « plan climat », destiné à mettre la France sur la voie de la neutralité carbone au mitan du siècle, Nicolas Hulot dressait déjà un constat d’échec : « Malgré la mobilisation de tous les acteurs, le découplage entre les activités économiques et les émissions de gaz à effet de serre n’est toujours pas là », convenait publiquement le ministre.