F1 : l’avenir incertain du Français Esteban Ocon
F1 : l’avenir incertain du Français Esteban Ocon
Par Catherine Pacary
Le jeune pilote va être évincé de Force India par Lance Stroll, fils de l’homme d’affaires canadien qui a racheté l’écurie. Son cas repose le problème des pilotes payants et des débouchés pour la jeune génération.
Lewis Hamilton et Sebastian Vettel ont pris la défense d’Esteban Ocon. Le 25 août, le pilote Force India s’est hissé à la 3e place lors des qualifications du Grand Prix de Belgique. / FRANCOIS LENOIR / REUTERS
Alors que le « grand barnum » de la F1 a pris place, sous la pluie, à Monza en Italie, où se court dimanche 2 septembre le 14e Grand Prix de la saison, un sujet agite les conversations : l’avenir incertain d’Esteban Ocon. En plein jeu de chaises musicales parmi les pilotes, le Français, qui roule actuellement sous les couleurs de Force India, n’est pas assuré d’avoir un volant dans la catégorie reine la saison prochaine.
L’intéressé a révélé lui-même sa situation le week-end dernier à Spa, face caméra, dans un dialogue inédit avec le quadruple champion du monde Sebastian Vettel (Ferrari).
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A l’origine du « problème », le rachat de l’écurie Force India par le consortium Racing Point, mené par l’homme d’affaires canadien Lawrence Stroll. Or, ce dernier est le père du pilote Lance Stroll (qui court actuellement au sein de l’écurie Williams) et il a décidé d’y faire venir son fils. Aux dépens d’Esteban Ocon.
L’autre pilote, le Mexicain Sergio Pérez, serait gardé par Racing Point FI, parce qu’il peut apporter un financement, grâce au soutien du milliardaire Carlos Slim.
Les pilotes payants, « une des réalités de la F1 »
Le cas d’Ocon a suscité une sorte d’élan de sympathie. Il est vrai que ce jeune pilote (21 ans) se montre plutôt talentueux : à Spa, il s’est hissé à la 3e place sur la grille du Grand Prix de Belgique au volant de sa monoplace rose.
Ce pilote au mérite séduit ses aînés. Les deux quadruples champions du monde en tête : Lewis Hamilton et Sebastian Vettel ont été les premiers pris sa défense, relayés massivement par les réseaux sociaux, sur le thème « C’est scandaleux ».
Mais, pour l’instant, Esteban Ocon, qui fait partie de la « pépinière » Mercedes (la marque gère sa carrière), se retrouve sans point de chute pour 2019. Ce qui rouvre le débat sur les « pilotes payants » de la F1 et, plus largement, sur la difficulté d’accéder à un baquet dans l’élite.
Le phénomène des pilotes payants n’est toutefois pas nouveau. Même Fernando Alonso, Michaël Schumacher, ou Ayrton Senna ont bénéficié de soutiens financiers. « C’est une des réalités de la F1 aujourd’hui, témoigne Cyril Abiteboul, patron de Renault F1 Team. On avait d’ailleurs été beaucoup critiqué [par Force India notamment] lorsque l’on est revenu en F1 sur notre line-up de pilotes initial. » Allusion au pilote payant de Renault d’alors, le Britannique Jolyon Palmer.
Renégocier la répartition des revenus
Depuis 2017, les hautes instances tentent de réagir contre cet état de fait, qu’elles jugent incompatible avec l’image de la F1 de demain. « Nous devrions avoir les 20 meilleurs pilotes du monde, mais la réalité c’est qu’en bas de la grille, les considérations commerciales liées aux budgets apportés par les pilotes sont devenues trop importantes », déplorait, en avril 2017, Ross Brawn, directeur sportif de la F1.
Le nouveau propriétaire de la F1, Liberty Media, propose de renégocier en 2021 les accords, particulièrement inégalitaires qui fixent la répartition des revenus de la F1 entre les écuries. Actuellement, les plus anciennes, Ferrari en tête, bénéficient de grosses dotations quand de jeunes écuries ne perçoivent rien.
« Les premiers bénéficiaires seraient les pilotes, et en particulier les pilotes talentueux qui n’ont pas de soutien économique », poursuit Cyril Abiteboul. Ainsi, si Esteban Ocon a bénéficié et bénéficie encore du soutien de Mercedes, c’est parce que l’écurie en a les moyens. En 2015, le patron de Mercedes AMG, Toto Wolff, chiffrait entre 7 et 8 millions d’euros le coût de la formation d’un jeune pilote, du kart à la F1. Pour justifier ces dépenses, encore faut-il des débouchés pour ces jeunes pilotes.
Or, la Formule 1 c’est « la loi de l’offre et de la demande », rappelle un agent de pilote. En l’occurrence, pour les pilotes, l’offre mondiale se limite à 20 places. Fait conjoncturel aggravant, les carrières s’allongent, ce qui réduit le turnover et limite la place pour les jeunes. A 38 ans, Kimi Räikkönen est par exemple en passe de re-signer un an chez Ferrari ; le jeune Monégasque Charles Leclerc devra patienter.
McLaren, Williams, Haas… options encore possibles pour Ocon
Pour Esteban Ocon, plusieurs options sont encore possibles. « Avant la trêve on le voyait chez Renault », rappelle un proche de la FIA. Cela ne s’est pas fait « pour de nombreuses raisons, explique Cyril Abiteboul. Outre l’arrivée de Daniel Ricciardo (débauché chez Red Bull), la principale étant que Renault est un constructeur qui souhaite garder une certaine autonomie dans la gestion de ses pilotes » Or, Esteban est sous contrat avec Mercedes.
Esteban Ocon a décidé de s’exprimer uniquement « sur la piste » de Monza, ici le 31 août. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP
Ces derniers jours, Mercedes a cherché à décrocher un baquet chez McLaren. Esteban Ocon s’est rendu en Angleterre pour se faire mouler un baquet. Las. Il est… trop grand. « Sa taille [1,86 m] pose problème », confirme un familier du quartier général de l’écurie, à Woking. Cela n’est pas insurmontable mais nécessite du temps : McLaren s’est donné jusqu’à fin septembre pour annoncer son second pilote, au côté de Carlos Sainz Jr.
Williams, motorisée par Mercedes, n’a pas non plus totalement fermé sa porte, même si, a priori, elle lui préfère le Russe Nikita Mazepin. Haas pourrait enfin offrir un volant à Ocon, mais à condition de se débarrasser d’un autre Français, Romain Grosjean.
Sous la forte pression de Mercedes, Esteban Ocon pourrait aussi, au final, garder son volant chez Racing Point Force India.
Après son « coup de com » réussi à Spa, et dans un contexte de reconquête du public et de renouveau de la F1, le jeune pilote français assure garder confiance : « Ma carrière est gérée par Mercedes et ils ont pris d’excellentes décisions pour moi par le passé. Espérons qu’il en sera de même à l’avenir. »