A Angers, un médecin accusé de harcèlement sexuel par une secrétaire
A Angers, un médecin accusé de harcèlement sexuel par une secrétaire
Par Yves Tréca-Durand (Angers, correspondant)
Une enquête préliminaire est ouverte contre Abdel Rahmene Azzouzi, chef du service d’urologie du CHU et spécialite reconnu internationalement.
L’affaire secoue le centre hospitalier d’Angers et la ville tout entière. Le professeur Abdel-Rahmène Azzouzi, chef du service urologie du CHU, ancien élu municipal et personnalité reconnue pour ses prises de position en faveur de l’islam de France, est visé par une enquête pour harcèlement sexuel.
Courant juin, après avoir recueilli dans le secret de son bureau le témoignage d’une jeune secrétaire qui accuse le médecin, Cécile Jaglin-Grimonprez, la directrice de l’hôpital, a jugé les éléments suffisamment sérieux pour alerter le procureur de la République d’Angers comme l’y oblige l’article 40 du Code de procédure pénale. Dans la foulée, celui-ci a ouvert une enquête préliminaire.
Placé en garde à vue au commissariat d’Angers le 4 juillet, le médecin s’est expliqué pendant huit heures sur les dizaines de SMS qu’il a expédiés à la jeune femme et les cadeaux qu’il a déposés à la porte de son domicile. Des chocolats et des bonbons, un DVD du film A bras ouverts et un peu d’argent aussi, reconnaît-il lors de sa garde à vue. Mais il assure qu’il n’a « jamais eu de geste déplacé, ni fait d’allusion sexuelle ». Selon des sources concordantes, la victime aurait tenté de lui rendre les cadeaux en lui signifiant qu’elle voulait que ces avances oppressantes cessent. Sans succès.
Pour Abdel-Rahmene Azzouzi, qui est depuis le 1er août, suspendu à titre provisoire et conservatoire de sa fonction de chef de service, cette enquête s’avère particulièrement délicate. Ce médecin, reconnu par ses pairs, a souvent publiquement soutenu Tariq Ramadan avant qu’il soit accusé de viols par plusieurs femmes. Le 10 février 2015, dans Le Monde des religions, il dénonçait ainsi « l’ostracisation permanente » de celui-ci « alors que Zemmour sature les plateaux des médias ». Dans la même tribune, consécutive à sa démission avec fracas du conseil municipal d’Angers – où il siégeait depuis 2008 – et qui suivait de peu les attentats de Charlie hebdo et de l’Hyper Cacher, il pourfendait l’Etat français et les élus de la République, les accusant de laisser se propager l’islamophobie.
Face à la menace de poursuites judiciaires, il n’a d’ailleurs pas hésité à mettre en avant sa confession musulmane et le racisme latent qui régnerait parmi ses collègues, des jalousies professionnelles aussi, qui auraient abouti à ce qu’il qualifie de cabale. « Cette affaire ne concerne pas du tout le CHU », veut-il croire, assurant que les faits se sont déroulés à l’extérieur de l’établissement. « J’estime que la note envoyée par la direction générale au procureur de la République est mensongère. Le CHU y trouve une opportunité pour me tacler. »
« Echange assumé »
Ce que dément fermement Cécile Jaglin-Grimonprez, qui a pris la tête de l’établissement et de ses 5 200 agents en octobre 2017. « On s’est attachés uniquement à la protection de l’agent et aux faits qui étaient rapportés, dit la directrice. C’est possible qu’il y ait des jalousies entre les services mais je fais très attention à ne pas être manipulée. » Elle ajoute qu’elle devait faire ce signalement à la justice. La victime a, elle, demandé et obtenu la protection fonctionnelle du CHU.
De même, la directrice réfute les arguments de racisme. « J’aurais eu la même attitude avec toute autre personne du CHU, homme ou femme. Quant à la confession des gens, elle ne me regarde pas. Et je tiens à prévenir que je porterai plainte contre toute accusation de racisme dont je pourrais faire l’objet. »
Pour expliquer son comportement, M. Azzouzi affirme qu’il souffre d’une pathologie depuis juin 2017 et que le traitement qui lui a été administré, à base de corticoïdes, a altéré son discernement et « abaissé ses standards moraux ». « On se sent tout-puissant. Ça déclenche un désir incontrôlable de séduire. J’ai dû me battre contre moi-même et mes pulsions », se défend-il.
Un élément de défense que l’avocat choisi par M. Azzouzi, Me Samim Bolaky, ne reprend pas à son compte, préférant disqualifier le soupçon de harcèlement sexuel, un délit passible de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende : « C’est juste un homme qui a tenté de faire maladroitement la cour à une jeune femme aimable et avenante. Il y a un échange parfaitement assumé de SMS courtois mais pas connotés sexuellement. »
Alors que les auditions des personnels de l’hôpital se poursuivent, le procureur de la République, Yves Gambert, espère conclure l’enquête préliminaire « avant la fin de l’année ».