Jacques Doriot, sur les Champs-Elysées, à Paris, en août 1943, lors d’une manifestation du Parti populaire français, la formation d’extrême droite qu’il a fondée. / LAPI / ROGER-VIOLLET

France 3, jeudi 13 septembre à 23 h 55, documentaire

Sous l’Occupation, il aura été, selon le politologue Jean-Yves Camus, de ceux qui s’engagèrent le plus loin dans la collaboration active. Pour preuve éclatante, après avoir créé en 1941 la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF), Jacques Doriot endosse l’uniforme allemand et prête serment à Hitler. Ainsi, en une poignée d’années, le fougueux député communiste qui se déclarait en 1924 le « soldat de l’Armée rouge » à l’Assemblée nationale bascula d’un bord à l’autre de l’échiquier politique.

Comment, en un mot, est-il passé « du poing serré à la main levée », selon l’expression de Joseph Beauregard ? A travers ce questionnement qui structure ce portrait, le documentariste tente, archives rares, analyses d’historiens et dessins de François Duprat à l’appui, de résoudre l’« énigme » Doriot.

Celle d’un homme issu de la classe ouvrière, métallo à Saint-Denis, qui, de retour du front, en 1918, s’engage dans les rangs du Parti communiste dont il devient l’une des étoiles montantes. Elu plus jeune député en 1924, celui qui aime provoquer verbalement autant que physiquement lorgne déjà sur les plus hautes fonctions.

Amertume et revanche

Mais l’année 1929 marque un coup d’arrêt à son ascension, lorsqu’il s’oppose à la ligne « classe contre classe » de Moscou, qui interdit toute alliance avec la SFIO. Au congrès du parti, Doriot est obligé de se rétracter publiquement. « L’effet est dévastateur », souligne l’historien Laurent Kestel. Son ambition se teinte alors d’amertume et de revanche : deux sentiments qui ne cesseront de croître au fil du temps et des humiliations.

Exclu du parti en 1934 pour avoir créé un comité de défense antifasciste avec des membres de la SFIO, le maire de Saint-Denis se retire dans son fief et entame une inexorable dérive droitière, matérialisée par la création du Parti populaire français en 1936. La guerre et la Révolution nationale s’apparentent à son grand soir. Ou presque. Lorsque Pétain révoque Laval, Doriot croit que son heure est arrivée. Mais, là encore, l’agitateur se voit souffler le poste par Darlan.

Dès lors, s’appuyant sur ses miliciens, il n’aura de cesse de jouer de la surenchère auprès des Allemands pour assouvir sa soif de revanche. En vain. Le 22 février 1945, sur une route allemande, deux avions alliés abattent celui qui aura été un « bel exemple de fascisme à la française », selon l’historien Pascal Ory.

Jacques Doriot, le petit Führer français, de Joseph Beauregard (Fr., 2018, 60 min).