En Afrique, cinquante nuances de développement humain
En Afrique, cinquante nuances de développement humain
Par Laurence Caramel
Dans le palmarès publié par le PNUD, Maurice est le pays le mieux classé d’Afrique subsaharienne, tandis que le Niger glisse à la dernière place mondiale.
Un famille nigérienne à Dargué, dans la région de Maradi, en août 2018. / LUIS TATO / AFP
Mieux vaut être né en Norvège qu’au Niger ou au Botswana qu’au Tchad. La mise à jour de l’indice de développement humain (IDH) publiée vendredi 14 septembre par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ne révèle pas de grands bouleversements dans ce classement du bien-être à l’échelle mondiale. Il décrit cependant, au sein du continent, une diversité de situations qui bat en brèche l’idée réductrice d’une Afrique homogène condamnée à stagner en queue de peloton.
Le Botswana figure, avec la République dominicaine et la Turquie, parmi les pays qui ont gravi le plus de places dans le classement depuis le début de la décennie. Les nouvelles estimations de l’espérance de vie à la naissance – dont l’horizon avait reculé de treize ans au plus fort de l’épidémie de sida – en sont la principale raison.
De fortes inégalités au Gabon
L’IDH, publié depuis 1990, est une mesure composite de la richesse matérielle, à travers le revenu brut par habitant, l’espérance de vie à la naissance et l’accès à l’éducation, appréhendé notamment à travers le taux moyen de scolarisation. Il a été complété en 2011 par une mesure des inégalités qui permet de prendre en compte la distribution inégale des richesses.
Ainsi le Gabon, seul Etat au sud du Sahara, avec le Botswana et Maurice (classé au 1er rang subsaharien et au 65e mondial), à appartenir au groupe des pays dont le niveau de développement humain est considéré comme élevé, chute de 40 places lorsque les économistes intègrent la forte concentration des revenus liée à la rente pétrolière, qui ne profite qu’à quelques-uns.
« Les chiffres que nous publions depuis vingt-huit ans montrent que des progrès sont possibles, même s’ils sont inégaux », s’est réjoui l’économiste du PNUD Selim Jahan en commentant l’évolution enregistrée au cours des trois dernières décennies dans les différentes régions du monde. L’Afrique subsaharienne a été celle où les progrès les plus rapides ont été observés au cours des années 2000, avant le ralentissement provoqué par la crise financière et la chute des cours des matières premières.
L’écart entre le Niger, qui occupe la dernière place du classement, et la Norvège, à la première place, n’en demeure pas moins vertigineux : à la naissance, un enfant nigérien a une espérance de vie inférieure de près de 22 ans. Il peut en moyenne espérer fréquenter les bancs d’une école pendant deux ans, contre plus de douze pour un enfant du royaume scandinave. Ses parents vivent avec moins de 1 000 dollars par an (moins de 860 euros), 68 fois moins que s’il avait vu le jour en Norvège.
Les femmes mieux loties en Namibie
Sur le continent, les pays les plus pauvres sont aussi les plus inégalitaires et ceux où les femmes disposent du moins de droits et de choix. Au Tchad, deux tiers des femmes de 15 à 24 ans sont analphabètes, contre moins de deux sur dix au Rwanda, où l’égalité hommes-femmes est une priorité. En Namibie, les femmes restent plus longtemps à l’école que les hommes et l’écart de revenus entre les sexes est beaucoup plus faible qu’ailleurs.
Plus d’un pays sur deux en Afrique subsaharienne continue d’afficher un IDH « faible ». Dans le reste du monde, seuls cinq pays sont dans une situation comparable, selon le classement du PNUD, qui ne prend pas en compte des Etats comme la Corée du Nord, pour lesquels les statistiques ne sont pas disponibles. Il s’agit des îles Salomon, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de l’Afghanistan, de la Syrie et du Yémen. Dans les deux derniers cas, la guerre explique une brutale dégradation des indicateurs sociaux et de l’espérance de vie au cours des années récentes. Tout comme elle reste, pour la plupart des pays africains bloqués dans le bas de cette photographie mondiale, un facteur chronique d’appauvrissement.