• Camille Saint-Saëns
    Concertos pour piano n° 2 op. 22 et n° 5 op. 103 « L’Egyptien ». Etudes op. 111 n° 4 et n° 1. Etudes op. 52 n° 6 et n° 2. Mazurka op. 66 n° 3. Allegro appassionato. Valse nonchalante op. 110

    Bertrand Chamayou (piano), Orchestre national de France, Emmanuel Krivine (direction)

Pochette de l’album « Saint-Saëns », avec Bertrand Chamayou (piano), Orchestre national de France, Emmanuel Krivine (direction). / ERATO / WARNER CLASSICS

Dès la longue introduction aux allures de toccata de Bach qui débute le Concerto n° 2, on comprend que le piano de Bertrand Chamayou ne nous laissera aucun répit. Plénitude charnelle du toucher, palette tour à tour brillante, charmeuse ou virtuose, expression naturelle et engagée, le musicien consacre avec vitalité et inspiration le romantisme d’un compositeur trop longtemps taxé d’académisme. Même constat dans « l’Egyptien », défendu avec une sorte de fausse naïveté et beaucoup de naturel jusque dans des sortilèges narratifs qui impressionnent. La direction d’Emmanuel Krivine à la tête d’un Orchestre national de France en état de grâce est idéale de souplesse, d’équilibre et de poésie. Conçues comme une succession de bis possibles, les huit pièces pour piano qui complètent l’album sont autant de joyaux, dont l’étonnante modernité pour certaines (accents debussystes des Cloches de Las Palmas) n’obère pas l’élégante inspiration des plus traditionnelles valses et mazurkas. Marie-Aude Roux

1 CD Erato/Warner Classics.

  • Barbara Hannigan et Reinbert de Leeuw
    Vienna. Fin de siècle

    Sélection de lieder par Barbara Hannigan (soprano) et Reinbert de Leeuw (piano)

Pochette de l’album « Vienna. Fin de siècle », une sélection de lieder par Barbara Hannigan (soprano) et Reinbert de Leeuw (piano). / ALPHA CLASSICS / OUTHERE MUSIC

Les compositeurs réunis dans ce programme ont bien respiré le même air viennois d’une « fin de siècle » qui s’est prolongée jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Leur mise en perspective dans le genre du lied est encore plus édifiante qu’à l’accoutumée, car Barbara Hannigan aborde chaque monologue poétique comme une prise de rôle à l’opéra. L’identification la plus forte s’effectue au bénéfice d’Alban Berg (dont la chanteuse a incarné sur scène une Lulu d’exception), mais la restitution des autres formes de lyrisme (ample avec Arnold Schoenberg, trouble avec Anton Webern, fiévreux avec Alexander von Zemlinsky) repose aussi sur un vécu authentique (approfondi avec Hugo Wolf, immédiat avec Alma Mahler). Et sur le piano de Reinbert de Leeuw, véritable Pygmalion de la soprano canadienne tant il l’a dirigée, comme chef d’orchestre, depuis leur première rencontre dans les années 1990 aux Pays-Bas. Pierre Gervasoni

1 CD Alpha Classics/Outhere Music.

  • Jacques Vidal Quintet
    Hymn

Pochette de l’album « Hymn », du Jacques Vidal Quintet. / SOUPIR ÉDITIONS / SOCADISC

Les précédents albums du contrebassiste et compositeur Jacques Vidal ont été consacrés à des œuvres et à l’univers de Charles Mingus (1922-1979), lui aussi contrebassiste et compositeur (Fables of Mingus, en 2011, Cuernavaca, en 2014). Dans Hymn, entièrement écrit et arrangé par Jacques Vidal, l’esprit de Mingus est toujours là, au travers de thèmes lyriques (notamment Walk in New York, Miles, Alice), par cette manière de faire sonner une petite formation – Pierrick Pédron, saxophone alto, Daniel Zimmermann, trombone, Richard Turegano, piano, et Philippe Soirat, batterie – comme un big band (To Dance, Spirit, Funky Blues) par l’assise rythmico-mélodique du jeu de Vidal. Il y a ici comme une évocation des histoires du jazz, passées par le gospel, le blues, un swing débordant de bout en bout, une fluidité d’ensemble qui ne peuvent que susciter l’enthousiasme. Sylvain Siclier

1 CD Soupir Editions/Socadisc.

  • Michael Nau & The Mighty Thread
    Michael Nau & The Mighty Thread

Pochette de l’album de Michael Nau & The Mighty Thread. / FULL TIME HOBBY / PIAS

Country, folk et pop s’entremêlent de manière fine dans ce nouvel album du chanteur et guitariste Michael Nau, un peu dans la manière du précédent, Some Twist, publié au printemps 2017, mais en plus orchestré, soigné, délicat. Dans la voix de l’Américain Michael Nau, natif du Maryland, on peut entendre des inflexions d’une tendresse caressante. Dans ses compositions, ses arrangements, il y a un mélange de soleil et de brume mélancolique. Avec lui, une formation très exacte, celle qui donne son titre au disque Michael Nau & The Mighty Thread, au sein de laquelle le claviériste Will Brown, le vibraphoniste Dan Davine et Brett Lanier à la guitare pedal steel (les notes sont étirées par l’emploi d’un pédalier) apportent un son qui crée une atmosphère un rien rêveuse, une sorte de flottement musical. S. Si.

1 CD Full Time Hobby/PIAS.

  • Paul Weller
    True Meanings

Pochette de l’album « True Meanings », de Paul Weller. / PARLOPHONE/WARNER MUSIC

Même gamin en colère, s’escrimant à combattre l’establishment au sein de The Jam (1977-1982), Paul Weller savait glisser une mélodie touchante (English Rose, Ghosts…) entre deux brûlots. Cultivé ensuite plus régulièrement avec son duo néo-soul, The Style Council (1983-1989), puis en solo, à partir de 1992, cet art de la ballade domine l’album True Meanings que s’offre le « modfather » pour son 60e anniversaire. Est-ce l’âge ? La quête existentielle de « vrai sens » suggérée par le titre ? Le songwriter britannique n’avait jamais abordé aussi élégamment son anxiété. Sa voix de fumeur cockney, volontiers pugnace, s’adoucit ici jusqu’à la vulnérabilité, au rythme d’un apaisement acoustique se faisant l’écho de vieilles passions pour Terry Callier (The Soul Searchers, accompagné avec classe par le clavier vintage de Rod Argent, des Zombies), Nick Drake (Mayfly, Gravity), Burt Bacharach (What Would He Say ?), George Harrison (Books)… Même si, à l’instar du bouleversant Aspects, c’est surtout à Weller – et aux subtils arrangements de cordes d’Hannah Peel – qu’on doit ce chef-d’œuvre tardif. Stéphane Davet

1 CD Parlophone/Warner Music.

  • Interpol
    Marauder

Pochette de l’album « Marauder », d’Interpol. / BEGGARS / MATADOR

A l’instar des Strokes et des White Stripes, le groupe new-yorkais Interpol a grandement contribué à redonner du sang neuf au rock. Leur premier album, Turn on the Bright Lights (2002), fit date en réactualisant l’esthétique post-punk ténébreuse de Joy Division et l’urgence des Chameleons. Alors que bien des suiveurs ont tenté le renouvellement et échoué (Bloc Party, The Rakes, The Rapture…), le trio, emmené par le chanteur et guitariste Paul Banks, réussit à perdurer, fidèle à ses fondations. Si les deux précédents albums, honnêtes mais sans audaces, ont émoussé notre intérêt, la contribution sur ce sixième album du producteur Dave Fridmann (MGMT, Tame Impala) retient l’attention. En dépit parfois d’une impression de déjà entendu, Mountain Child, If You Really Love Nothing et Flight of Fancy renouent avec le panache des débuts. Grâce notamment à un Paul Banks en forme, qui peaufine son phrasé vocal épileptique. Franck Colombani

1 CD Beggars/Matador.

  • Nes
    Ahlam

Pochette de l’album « Ahlam », de Nes. / ACT / PIAS

A la chanson, le violoncelle sied à merveille. Cette connivence rayonne donc dans l’album au charme immédiat, proposé par un trio d’artistes basé à Valence, en Espagne. La voix de la chanteuse Nesrine Belmokh fait danser les mots en arabe (écrits par sa mère Leïla Guinoun), en anglais et en français. S’émancipant ici de l’univers de la musique classique dans lequel elle évolue aussi (elle a joué dans l’orchestre de l’Opéra Reina Sofia de Valence, dirigé par Lorin Maazel et le West-Eastern Divan Orchestra, de Daniel Barenboim), elle est accompagnée ici par deux violoncelles, le sien et celui, toujours pertinent, de Matthieu Saglio, qui surligne également à la voix ses mélodies. Les couleurs du percussionniste David Gadea enluminent rythmiquement le voyage. Une belle traversée de sentiments et d’humeurs, une déambulation entre légèreté et mélancolie. Patrick Labesse

1 CD ACT/PIAS.