Ligue des champions : vers une année d’abstinence, de bars et de streaming ?
Ligue des champions : vers une année d’abstinence, de bars et de streaming ?
Par William Audureau
Catalogue éclaté, prix élevés, accessibilité limitée… à l’heure où s’ouvre la Ligue des champions, des internautes confient leur tentation de basculer vers des offres illégales.
Le stade du Celtic Glasgow pour un match de Ligue des champions, en novembre 2007. / CIARAN ROARTY / CC BY 2.0
Cette année, l’équipe de leur cœur s’appellera Streaming FC. Pour nombre de Français, la saison de Ligue des champions qui débute mardi 18 septembre par un alléchant Liverpool - Paris-Saint-Germain rimera avec streams illégaux, sites interlopes et commentaires en langues étrangère.
A l’origine de ce choix, l’arrivée de RMC Sport, chaîne qui possède l’exclusivité des droits des compétitions européennes en France pour la saison 2018-2019 au détriment de Canal+ et BeIN. Or suivre légalement la plus prestigieuse des compétitions de football n’a jamais été aussi coûteux et incommode.
60 € par mois… pour ceux qui peuvent s’abonner
Les amoureux de football légalistes doivent désormais s’acquitter de trois abonnements différents pour profiter de l’intégralité des matchs des équipes françaises : Canal+ (24,90 euros par mois) et BeIN Sport (15 euros par mois) pour le championnat, RMC Sport (19 euros par mois) pour les coupes d’Europe. Soit une bagatelle d’une soixantaine d’euros mensuels.
Dans ce contexte, les prix demandés par SFR pour regarder RMC Sport font bondir. Si les abonnés à la marque au carré rouge peuvent s’en tirer pour 9 euros par mois, les autres doivent s’acquitter d’une mensualité de 19 euros. Près du double de BeIN Sport à son lancement (11 euros). Et si la nouvelle chaîne de SFR peut se vanter d’être toujours moins chère que Canal+, elle ne propose pas le même éventail de programmes.
Par ailleurs, la mauvaise distribution de la chaîne ne contribue guère à la rendre plus populaire : faute d’accord avec SFR, par défaut, les abonnés Free et Orange ne peuvent recevoir RMC Sport. Et si un abonnement numérique est possible pour en profiter sur écrans connectés (smartphones, ordinateurs), et d’utiliser ensuite un boîtier TV connecté de type Apple TV ou Chromecast pour diffuser le flux sur sa télévision, l’application n’est pas disponible sur les consoles multimédia les plus populaires, la PlayStation 4 et la Xbox One.
Pour l’instant, selon les témoignages récoltés par Le Monde, rares sont ceux qui ont franchi le pas et se sont abonnés. Julien, 24 ans, s’y est bien aventuré, non sans une certaine méfiance. « Je me suis abonné à RMC pour pouvoir profiter de la Ligue des champions sans prise de tête… en espérant que leur plate-forme fonctionne et assure un débit correct. »
Pour le reste, les premiers abonnés sont en fait surtout des clients de la marque au carré rouge, qui la payent 9 euros au lieu de 19. C’est le cas de Florent, juriste de 27 ans, qui a résilié BeIN pour SFR. « Je n’aurais pas souscrit à cette offre pour un montant de plus de 10 euros et encore », précise-t-il néanmoins.
D’autres refusent de rallonger leur facture, comme Sébastien, 48 ans. « Je suis abonné à SFR depuis un an, et après avoir été ravi que la Ligue des champions soit négociée par ce groupe, j’ai déchanté en découvrant qu’il la faisait payer. Du coup je boycotte. » Plusieurs ont ainsi tiré un trait sur la coupe aux grandes oreilles, comme Xavier, kinésithérapeute :
« C’est très clair, cette année, je ne vais pas suivre la LDC, il ne faut pas abuser, après la Coupe du monde chez BeIN, le championnat chez Canal, il faudrait un nouvel interlocuteur… Arrêtons de nous prendre pour des vaches à lait ! »
Idem pour Guy, de Bourg-la-Reine. « Je renonce. Ce système d’exclusivité est la négation de l’esprit populaire et universel du football. » Si un club français atteint les quarts ou les demi-finales, il ira voir le match chez un ami.
La majorité prévoient de se rabattre sur des plans bis. Adrien, Toulousain de 28 ans, refuse de suivre la politique de SFR par principe. « J’accepte de payer le prix juste mais pas celui du consommateur idiot et suiveur. » Il suivra les rencontres en streaming alternatif, non sans regretter cette évolution. « Le sport suit les traces de la musique sur Internet à ses débuts : des tarifs gonflés qui entraînent les consommateurs dans l’illégalité. »
C’est que les solutions illégales ne manquent pas, et que ce soit sur Twitter, Facebook ou Reddit, de nombreux liens pour chaque match vers des flux pirates circulent au su de tous. Romain, un Tourangeau de 24 ans déjà abonné à Orange et BeIN, assume ainsi pleinement d’être « passé du côté obscur », celui du visionnage illégal.
D’autant que si le streaming souffre d’une image délétère, il s’est énormément amélioré, selon les utilisateurs interrogés. Kevin, éducateur de 30 ans, confirme qu’il est loin, le temps du streaming « de mauvaise qualité, avec les commentaires moldaves et plein de publicités. Avec les bons liens et les bons logiciels, il y a de la HD et même de la 4K. Les langues sont rarement en français mais on trouve pour chaque match BeIN Espagne, Skysports, BT Sports… ». « Heureusement qu’Internet nous sauve ! », lance Sam à ce propos.
Pour d’autres, cette envolée des prix et cette distribution chaotique seront l’occasion de redécouvrir les plaisirs simples d’un match de football dans un lieu collectif. « J’ai décidé de ne garder qu’un seul de mes abonnements et de revenir à premiers amours et suivre La ligue des champions dans les bars », se réjouit d’avance Aurélien. D’autres mixeront. Pour Christophe, 28 ans, la solution ainsi est vite vue : « Bar pour le PSG, streaming illégal pour les autres. »