France 5, mardi 18 septembre à 20 h 55, documentaire

A Syrthe, en 2016. / CAPA

Il bafouille. Ce jeune homme n’arrive pas à réciter son texte d’une traite sans se tromper et ses hésitations le font bien rire. Pourtant, le message qu’il enregistre face caméra, dans un français approximatif, n’a rien de drôle. Pistolet à la main, il menace d’envoyer des « voitures d’explosifs » si la France ne se tourne pas vers « Allah ». Cette vidéo n’était pas destinée à la propagande de l’organisation Etat islamique (EI) mais plutôt à sa communication interne. Des séquences inédites comme celle-ci, le journaliste Kamal Redouani en possède des heures et des heures, qui lui ont été remises par une de ses nombreuses sources (on n’en saura pas plus).

Fin 2016, lorsque la ville libyenne de Syrte a été libérée de l’emprise de l’EI, un combattant des brigades de Misrata a découvert, dans les décombres, un ordinateur. Il a choisi de le confier au journaliste. Cet ordinateur n’appartenait pas à n’importe qui : il était la propriété d’Abou Abdallah Al-Masri, l’un des émirs de l’EI qui régentait Syrte et commandait quelque 3 500 personnes. Mais que contient le disque dur ? Des informations inestimables sur le fonctionnement même de Daech, que Kamal Redouani a étudiées et triées pendant un an.

Quotidien mortifère

Il en ressort un documentaire glaçant racontant le quotidien mortifère de cette ville qui a été, pendant deux ans, la « capitale » du groupe terroriste en Afrique du Nord. Abou Abdallah Al-Masri avait notamment mis en place un tribunal islamique censé appliquer la charia, que tous les habitants devaient respecter sous peine d’être châtiés (coups de fouet, exécution). Le disque dur abritait aussi des dossiers sur les attentats passés (comme Madrid, en mars 2004), détaillant les points forts et les erreurs à ne plus commettre, ou la marche à suivre pour fabriquer une bombe avec de simples produits ménagers…

Ce documentaire nous plonge au cœur du fonctionnement extrêmement bureaucratique de l’EI, où tout était consigné (montant des impôts, recensement, etc.). Ce film donne la parole aux habitants de Syrte qui ont connu « l’enfer » sous Daech, ainsi qu’à des combattants et des responsables du contre-espionnage libyens. Mais aussi à un émir de la guerre de 34 ans, caché à Istanbul (arrêté depuis l’interview), qui explique pourquoi son organisation prônait la terreur et comment il a jeté un homme du haut d’un immeuble parce qu’il était homosexuel.

Daech, dans le cerveau du monstre, de Kamal Redouani (Fr., 2018, 65 min).