La consommation d’aliments moins bien notés par le Nutri-Score augmente le risque de cancer
La consommation d’aliments moins bien notés par le Nutri-Score augmente le risque de cancer
Par Pascale Santi
Plus de 470 000 adultes, vivant dans dix pays européens, ont répondu à un questionnaire sur les aliments consommés.
Haro sur la malbouffe. Une étude publiée mardi 18 septembre dans la revue Plos Medicine montre un lien entre la consommation d’aliments de moins bonne qualité nutritionnelle et le risque de cancer. En effet, ceux qui mangeaient des aliments de moins bonne qualité nutritionnelle avaient 7 % plus de risque d’avoir un cancer. Au total, près de 50 000 cas ont été recensés. Ce risque accru était plus particulièrement observé pour les cancers du côlon-rectum, des voies aérodigestives supérieures et de l’estomac, du poumon chez les hommes, du foie et du sein (post-ménopause) chez les femmes.
L’étude sonde une large cohorte (appelée « European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition », EPIC, suivie de 1992 à 2014) de plus de 470 000 adultes vivant dans dix pays européens. Les chercheurs ont analysé les aliments consommés, notés selon un score nutritionnel, une version modifiée mise au point par la British Food Standard Agency, qui a servi de base au système d’étiquetage français, le logo Nutri-Score.
In today's new #research article, Mélanie Deschasaux & coll. study associations between an indicator of the… https://t.co/eGfQ7djCom
— PLOSMedicine (@PLOS Medicine)
Pour mémoire, le Nutri-Score a été choisi fin octobre 2017 par la France – et en 2018 par la Belgique – pour mieux informer les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des aliments. Il permet d’évaluer, à l’aide d’une échelle de couleurs (allant du vert au orange foncé) et de lettres allant de A (certaines pâtes, coulis, purées…) à E (certains biscuits, corn-flakes…), les qualités nutritionnelles des produits manufacturés, de les comparer et d’identifier le plus équilibré, le moins gras, le moins sucré et le moins salé.
50 000 cas de cancer recensés
Pour l’étude, « nous avons analysé la consommation et pondéré chaque aliment en fonction de sa quantité, en attribuant un indice aux personnes selon leur régime alimentaire en constituant cinq groupes, selon leur consommation d’aliments, des plus aux moins sains », explique le docteur Mathilde Touvier, qui a coordonné cette étude avec Mélanie Deschasaux, toutes deux de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Inserm, Université Paris 13, INRA, CNAM), en association avec le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC-OMS).
Les résultats ont aussi été ajustés en prenant en compte le mode de vie – consommation de tabac et d’alcool, pratique d’une activité physique et des facteurs sociodémographiques – l’âge, le niveau d’éducation… afin d’éviter au maximum les biais de confusion, précisent les auteurs.
Cette étude confirme aussi de précédents travaux, publiés en février dans le British Medical Journal, qui montraient un lien entre les aliments ultra-transformés et le risque de cancer. Une large part des aliments les moins bien notés par le Nutri-Score font partie de cette catégorie d’aliments.
Le lien entre malbouffe, cancer et maladies chroniques n’est pas nouveau. Limiter la « junk food » est d’ailleurs l’un des messages de l’Organisation mondiale de la santé qui alerte aussi depuis des années sur le surpoids et l’obésité. Certes, il existe d’autres facteurs de risque, mais la nutrition est un levier important, qui peut être orienté par des politiques de santé publique.
Un logo alternatif pour les « big six »
Limite de l’étude, d’ailleurs pointée par les chercheurs, il s’agit d’une observation, les données proviennent de déclarations par questionnaires recueillis une seule fois au départ. Mais elle est d’ampleur. « Cette publication est un élément fort qui vient en complément de précédents travaux réalisés en France, mais cette fois au niveau d’une cohorte dans dix pays européens, pour valider le score de base du Nutri-Score. C’est important dans le débat européen actuel », signale le professeur Serge Hercberg, qui préside le programme national nutrition santé et l’un des signataires de l’étude. « Ce travail montre la pertinence et l’intérêt de ces scores nutritionnels, notamment le Nutri-score », ajoute le docteur Mathilde Touvier.
Une bataille européenne des logos se joue actuellement. En effet, six grands groupes agroalimentaires (Nestlé, Coca-Cola, PepsiCo, Mars, Mondelez et Unilever) refusent le Nutri-Score. Si une cinquantaine d’entreprises de l’agroalimentaire et de la grande distribution ont commencé à l’apposer dans les rayons des supermarchés – il reste facultatif – les « big six » proposent leur propre système, l’Evolved Nutrition Label (ENL). Mais au lieu d’afficher le score pour 100 grammes, ils le calculent en fonction d’une portion, notation très variable d’une personne à l’autre. Un article récemment publié dans la revue Nutrients a montré la supériorité du Nutri-Score par rapport au logo alternatif proposée par ces groupes.
Réalisé sur plus de 20 000 participants de NutriNet-Santé, ce travail montre que le fait d’avoir des aliments étiquetés avec le Nutri-Score permet de diminuer les tailles de portions sélectionnées pour les produits de moins bonne qualité nutritionnelle.