Calendrier tendu pour le plan très haut débit
Calendrier tendu pour le plan très haut débit
Par Sandrine Cassini
Le gouvernement s’est fixé comme objectif d’une couverture par la fibre d’au moins 80 % de la population en 2022.
Emmanuel Macron réussira-t-il à tenir ses promesses en termes d’équipement numérique des Français ? Devant la presse, Julien Denormandie, en déplacement à Laval à l’Université d’été du Très haut débit, jeudi 20 septembre, se dit « confiant ». Pour mémoire, le président de la République a promis d’équiper 100 % des Français d’un accès Internet à « bon débit » (8 mégabits par seconde) fin 2020 et en très haut débit (30 mégabits par seconde) en 2022. Bien que « confiant », le secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires maintient néanmoins « la pression dans le tube. Sinon vous pouvez dériver », avertit-il.
Devant les industriels et les élus, il se fait plus explicite. « Nous avons des objectifs très ambitieux. Si l’on n’est pas capable de tenir nos promesses aux Français, nous aurons un très gros problème. Le lendemain des élections ne sera pas très bon », a asséné le membre du gouvernement, qui vient de porter au Parlement la loi Elan sur le logement, qui comporte un certain nombre de dispositifs censés faciliter la vie des opérateurs et des industriels dans leur projet d’aménagement numérique du territoire.
Si Julien Denormandie met en garde la profession, c’est qu’il sait que le calendrier est plus que tendu dans le très haut débit. Pour que l’objectif du gouvernement soit atteint, à savoir que 80 % au moins de la population ait la fibre en 2022 et 100 % le très haut débit, il faudra avoir équipé en prises 30 des 36 millions de logements français. En dix ans, 11 millions de prises ont été déployées. Il en manque encore 19 millions à construire en un peu plus de quatre ans.
« Le guichet des subventions a été fermé »
« Il y aura 3,2 millions de nouvelles prises cette année. Mais il en faudrait 4,5 millions par an », estime Etienne Dugas. Le président d’InfraNum, la fédération des professionnels des infrastructures dans les territoires, avertit sur le manque de compétences dont souffre la filière. « Fin 2017, nous avions un effectif de 17 000 personnes pour construire ces réseaux, il faudrait monter à 28 000. Les plans de formation sont en place, mais notre problème c’est le “sourcing” [les candidats] », dit-il. De fait, le métier est difficile, physique, peu connu mais « bien payé » si on le compare à la restauration ou au BTP. « Celui qui fait des déplacements peut facilement gagner 2 000 euros », ajoute-t-il.
Si les grands opérateurs – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free (dont Xavier Niel le fondateur est actionnaire à titre individuel du Monde) – n’hésitent plus à investir massivement, des inquiétudes se font jour dans les zones moins denses, où les collectivités et l’Etat sont amenés à mettre la main à la poche. « Le problème, c’est que le guichet des subventions a été fermé et que certaines régions ralentissent les investissements », avertit Patrick Chaize, sénateur de l’Ain.
Problème : les 3,3 milliards d’euros de subvention d’Etat, qui doivent financer l’aménagement des zones les plus reculées ont été totalement engagées, et la plateforme qui accueillait les projets a été « fermée en catimini à Noël », précise le sénateur. Or, tous les départements ne vont pas au même rythme. Et certaines régions ne prévoient à ce stade que d’être couvertes à 50 % et n’ont pas de ressources pour continuer. Pour le moment, l’Etat n’a pas prévu d’enveloppe supplémentaire, et Julien Denormandie conseille aux élus d’aller frapper à la porte du privé. « Aujourd’hui, il est désireux d’investir », dit le secrétaire d’Etat. « Cela va déstabiliser financièrement les modèles économiques mis en place dans les territoires », rétorque Patrick Chaize. Le bras de fer a commencé.