Le commerce équitable du cacao gagne du terrain en Côte d’Ivoire
Le commerce équitable du cacao gagne du terrain en Côte d’Ivoire
Près de 200 coopératives sont désormais certifiées et les volumes de récolte ont été multiplié par six, atteignant plus de 150 000 tonnes en 2017.
Dans un centre de tri de cacao, le 6 mars 2017, à Sobre, en Côte d’Ivoire. / SIA KAMBOU/AFP
« Ça a changé ma vie », lance un paysan. Labellisée commerce équitable, la production de cacao certifié connaît un développement rapide en Côte d’Ivoire, premier producteur avec 40 % du marché mondial, souvent mis à l’index en raison du travail des enfants.
Dans la région d’Adzopé, à 100 km à l’est d’Abidjan, en plus du prix conventionnel, les primes accordées aux producteurs de cacao équitable ont permis la construction d’écoles et de centres de santé et l’achat de pompes à eau et de panneaux solaires.
Pour obtenir le label, la production doit respecter des normes environnementales (pesticides réglementés), assurer un revenu décent aux agriculteurs et interdire tout travail des enfants. Le commerce équitable, qui insiste sur la traçabilité et la qualité du produit, est très apprécié des consommateurs européens et américains, qui sont prêts à payer plus chère la tablette de chocolat certifié.
En 2004, une seule organisation ivoirienne bénéficiait du précieux label. Aujourd’hui, près de 200 coopératives, rassemblant plus de 120 000 producteurs, sont certifiées. Et les volumes de cacao vendus aux conditions du commerce équitable sont passés de 25 tonnes en 2004 à plus de 150 000 tonnes en 2017.
« Or brun »
Mais la part du cacao équitable dans la production nationale ivoirienne n’atteint pas 10 %, selon le Réseau ivoirien du commerce équitable (RICE). Au total, la campagne cacaoyère 2017-2018 devrait se solder par une production nationale de 2 millions de tonnes, gérée par plus de 3 000 coopératives.
Le cacao est stratégique pour la Côte d’Ivoire. L’« or brun » représente 10 % du PIB ivoirien, 40 % des recettes d’exportation, ainsi que des revenus directs et indirects pour près de 5 millions de personnes, sur les 23 millions d’Ivoiriens. Néanmoins, de nombreuses familles rurales font toujours face à une pauvreté persistante, l’un des facteurs qui contribuent au travail des enfants dans les plantations de cacao.
Les familles font souvent travailler leurs propres enfants au détriment de leur scolarité alors que la Côte d’Ivoire est aussi considérée comme une importante destination régionale du trafic d’enfants en provenance des pays frontaliers. Les enfants y viennent pour travailler dans l’agriculture.
Quelque 1,2 million d’enfants ont été engagés dans la cacaoculture en Côte d’Ivoire en 2013-2014, selon l’Initiative internationale pour le cacao (ICI), une organisation créée par l’industrie du chocolat pour lutter contre le travail des enfants dans la filière.
Parade à la mévente du cacao
La coopérative Cayat, partenaire ivoirien de l’organisation britannique Fairtrade, qui promeut le commerce équitable, encadre plus de 2 000 membres dans la région d’Adzopé, formés aux « bonnes pratiques agricoles », allant de la fertilisation du sol à partir des produits chimiques autorisés à la récolte, en passant par la fermentation, une phase très importante qui donne son goût au chocolat.
La coopérative bénéficie chaque année d’une prime de 200 millions de francs CFA (environ 305 000 euros) des chocolatiers, dont 25 % sont directement versés aux agriculteurs. « Le commerce équitable a changé ma vie », s’exclame Robert Yao N’Guettia, au milieu de sa plantation qui produit actuellement une tonne de cacao à l’hectare contre 300 kg auparavant.
« On peut aller au champ pendant que nos enfants vont à l’école », souligne M. N’Guettia, au volant de sa voiture, un luxe dans le secteur. Le village de Yakassé-Attobrou a pu construire une maternelle, éclairée à l’énergie solaire, grâce aux primes du commerce équitable. Pour de nombreux paysans, la certification pourrait ainsi être une parade à la mévente du cacao, une situation qui frappe essentiellement les petits producteurs.
Après une forte baisse des cours mondiaux en 2017, qui avait entraîné des tensions sociales, ils ont remonté en 2018. « Notre souhait le plus ardent est que le prix augmente pour être à 1 100 francs CFA/kg [1,7 euro] contre 700 actuellement », explique Vincent Kra Kouamé, producteur de cacao, avant l’ouverture de la campagne 2018-2019 prévue en octobre. « Le cacao équitable constitue notre seul réconfort (…) et nous donne le sourire, assure-t-il. Notre souhait est que les chocolatiers continuent d’acheter notre production pour nous permettre d’exister. »