Premières condamnations pour corruption au Nigeria des compagnies Shell et ENI
Premières condamnations pour corruption au Nigeria des compagnies Shell et ENI
Deux intermédiaires ont été jugés en dehors du grand procès impliquant le géant anglo-néerlandais et le groupe pétrolier italien, ouvert au printemps à Milan.
Les logos du géant anglo-néerlandais Shell (à gauche) et du groupe pétrolier italien ENI. / CARL COURT,MARCO BERTORELLO / AFP
Une juge de Milan a prononcé jeudi 20 septembre les deux premières condamnations dans un dossier de corruption présumée au Nigeria impliquant les compagnies pétrolières Shell et ENI, infligeant quatre ans de prison à deux personnes considérées comme des intermédiaires, selon une source judiciaire. Ces deux hommes, le Nigérian Emeka Obi et l’Italien Gianluca Di Nardo, avaient demandé à bénéficier d’une procédure de jugement accéléré. Celle-ci se déroule à huis clos et permet des peines réduites d’un tiers en cas de condamnation.
Les deux prévenus ont donc été jugés en dehors du grand procès impliquant le groupe pétrolier italien ENI et le géant anglo-néerlandais Shell, ouvert au printemps à Milan. La justice soupçonne que sur le 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) versés par les deux groupes en 2011 pour l’acquisition d’une licence pour l’exploration du bloc pétrolier offshore OPL-245, 1,092 milliard de dollars étaient des pots-de-vin.
MM. Obi et Di Nardo ont été condamnés pour « corruption internationale » à quatre ans de réclusion, et à la confiscation de 98,4 millions de dollars pour le premier et de 21 millions de francs suisses pour le second. Le parquet avait requis cinq ans de prison à leur encontre.
« Crime contre le peuple nigérian »
Selon l’accusation, M. Obi, propriétaire de la société Energy Venture Partners, aurait été chargé par l’ex-ministre nigérian du pétrole, Dan Etete, de trouver un acquéreur pour OPL-245, un bloc qu’il s’était attribué en 1998, en la vendant à Malabu, une société qu’il détenait secrètement. M. Di Nardo aurait mis en contact M. Obi avec ENI et son patron à l’époque, Paolo Scaroni, à travers l’homme d’affaires Luigi Bisignani.
Selon l’agence d’informations économiques italienne Radiocor, c’est paradoxalement Emeka Obi qui a conduit à l’éclatement de l’affaire en ayant cité devant la justice londonienne Dan Etete pour se faire payer sa commission. Il a obtenu gain de cause en 2013, obtenant 114 millions de dollars, dont 24 millions transmis à M. Di Nardo. La prochaine audience dans le grand procès est prévu le 26 septembre.
ENI – acquitté mercredi à Milan dans un autre procès pour corruption en Algérie – et Shell contestent fermement toute corruption. Outre les deux majors, treize personnes comparaissent, dont Dan Etete, Claudio Descalzi, l’actuel patron d’ENI, son prédécesseur, Paolo Scaroni, et d’autres dirigeants et cadres des deux groupes.
« Aujourd’hui, nous avons vu tomber les premiers hommes du sombre scandale Malabu. Avec le procès Shell et ENI, le temps nous dira si ce sont seulement des intermédiaires qui paieront le prix de ce crime contre le peuple nigérian », a réagi Barnaby Pace, de l’ONG anticorruption Global Witness, dans un communiqué. « Mais une chose est certaine : ce jugement fera froid dans le dos aux responsables de l’industrie pétrolière et alarmera sûrement ENI et Shell », a-t-il ajouté.