Pendant des combats entre groupes armés et militaires loyaux au gouvernement de Fayez Al-Sarraj à Tripoli, en Libye , le 21 septembre 2018. / Hani Amara / REUTERS

La France a appelé la communauté internationale, lundi 24 septembre, à exercer une pression maximale, en ayant recours à des sanctions, sur tous ceux qui sèment la violence en Libye et empêchent le pays d’avancer vers des élections. Il faut « nous montrer plus durs à l’égard de ceux qui souhaitent imposer le statu quo à leur seul bénéfice », a averti le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, en marge de l’Assemblée générale annuelle de l’Organisation des Nations unies (ONU) à New York.

De violents affrontements entre milices à Tripoli ont fait au moins 115 morts et près de 400 blessés depuis le 27 août, selon un bilan du ministère libyen de la santé publié samedi 22 septembre. Un accord de cessez-le-feu avait été conclu le 4 septembre sous l’égide de l’ONU, mais de nouveaux combats ont eu lieu depuis.

Les récentes violences ont forcé 1 200 familles à quitter leurs maisons, portant le nombre total de déplacés à plus de 25 000, dont la moitié sont des enfants, selon l’Unicef. « Plus d’un demi-million d’enfants sont en danger immédiat » dans la capitale, a estimé le fonds onusien dans un communiqué publié lundi, ajoutant qu’ils sont « 2,6 millions à avoir besoin d’aide à travers le pays ».

Calendrier de plus en plus intenable

« Les sanctions prises récemment par le Conseil de sécurité contre un certain nombre de trafiquants doivent être suivies d’autres sanctions, je pense en particulier aux miliciens qui menacent Tripoli », a également déclaré Jean-Yves Le Drian devant des médias, lundi à New York.

Le ministre français des affaires étrangères a réuni dans la foulée ses homologues des pays voisins de la Libye (Algérie, Tunisie, Egypte, Niger et Tchad), ainsi que des représentants de l’Italie et des membres permanents du Conseil de sécurité, afin d’obtenir un soutien en ce sens. Le chef du gouvernement d’« accord national » libyen, Fayez Al-Sarraj, et l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, ont assisté à cette réunion par visioconférence depuis Tripoli.

Selon Paris, tous ont exprimé « l’unité de la communauté internationale » face aux milices qui tentent de jouer sur des « divisions réelles ou supposées » entre acteurs régionaux et européens pour empêcher le processus électoral d’avancer.

Prenant acte des difficultés sur le terrain, la France semble toutefois ne plus pousser pour la tenue d’élections en décembre, conformément à un calendrier adopté en mai à Paris qui paraît de plus en plus intenable à de nombreux observateurs. « Le calendrier a été décidé par les Libyens eux-mêmes […]. Si Ghassan Salamé, si les quatre responsables libyens qui se sont engagés à Paris [sur cette chronologie] estiment qu’il faut reporter la date, pourquoi pas », indique-t-on désormais de source diplomatique française.

L’important est de maintenir une dynamique vers des élections, insiste Paris, assurant être sur la même longueur d’onde que Rome sur ce point et avoir une même « volonté de coopération » malgré les tensions des dernières semaines. « Des mots désagréables ont été échangés, mais on partage un diagnostic de la situation », souligne une source diplomatique française.

L’Italie, qui a des liens historiques avec la Libye, un pays riche en hydrocarbures, reproche à la France de vouloir faire cavalier seul. Dans une allusion sans fard à Paris, elle a dénoncé des « ingérences étrangères » en Libye et exprimé son « désaccord » sur l’organisation d’élections le 10 décembre, jugeant les conditions sécuritaires non réunies.

« Le plus tôt sera le mieux »

Les Etats-Unis s’opposent aussi à toute précipitation en matière électorale. « Imposer de mauvaises dates butoir va se retourner » contre les Libyens, a ainsi averti récemment Jonathan Cohen, représentant adjoint de Washington aux Nations unies, en prédisant une « aggravation des divisions » dans le pays.

« Ce n’est pas tellement une question de date, le plus tôt sera le mieux », mais certaines conditions doivent au préalable être réunies, dont l’adoption d’un « cadre constitutionnel clair », a renchéri la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, à l’issue d’une deuxième réunion ministérielle sur la Libye tenue lundi.

Dans l’immédiat, « il faut envoyer un signal clair à ceux qui seraient tentés de perturber le processus politique, notamment aux milices », insiste désormais Paris. Les Etats-Unis ont imposé le 12 septembre des sanctions financières au chef de milice Ibrahim Jadhran, dont les forces ont attaqué en juin des terminaux pétroliers cruciaux de l’est de la Libye. De la même manière, les dirigeants de groupes armés qui tentent de faire obstruction au processus politique afin de préserver leur mainmise sur certaines ressources doivent être visés par des interdictions de voyager et le gel d’avoirs à l’étranger, préconise Paris.