Deux pas en arrière, un pas en avant… Le gouvernement hésite sur le dossier sensible des normes d’accessibilité aux personnes handicapées imposées aux promoteurs dans leurs programmes neufs. Le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé, mercredi 26 septembre, à l’occasion d’une visite de logements adaptés à Cergy-Pontoise, qu’il s’apprête à rendre obligatoire l’installation d’un ascenseur dès que le bâtiment atteint trois étages, et non plus quatre comme auparavant.

C’est une bonne surprise pour les associations d’handicapés qui réclamaient cela depuis longtemps. Elle corrige un peu l’effet désastreux d’une disposition de la loi Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN), en cours d’adoption, qui revient sur le principe d’accessibilité universelle adopté en 2005 sous l’impulsion de Jacques Chirac, alors président de la République. L’article 18 prévoit, en effet, qu’au lieu de 100 % de logements neufs accessibles, seuls 20 % le soient, le solde devant être « évolutif », une nouvelle notion à définir par décret. « Nous nous félicitons de ce progrès qu’est l’ascenseur dès le troisième étage, confie Nicolas Merille, conseiller national de l’Association des paralysés de France, mais cela ne règle pas le problème posé par la loi ELAN d’une immense régression en matière d’accessibilité des logements. »

Fauteuil roulant

« Installer plus d’ascenseurs va non seulement profiter aux 850 000 personnes à mobilité réduite mais aussi aux 6 millions de personnes de plus de 75 ans, argumente Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées. Et cela permet d’augmenter considérablement la proportion de logements accessibles. » La règle du « 100 % accessible » cachait, en réalité, une énorme exception : les logements dans des bâtiments sans ascenseur, inférieurs à quatre étages, étaient exonérés de toute norme pour handicapés excepté au rez-de-chaussée. Si bien que la production neuve ne comportait que 40 % de logements réellement adaptés aux handicapés. Abaisser le seuil de quatre à trois étages devraient, mécaniquement, étendre à beaucoup plus d’immeubles l’application de ces normes. Elles consistent en l’aménagement de larges portes, couloirs, salles de bain et WC où doit pouvoir manœuvrer un fauteuil roulant, entraînant un surdimensionnement de ces espaces au détriment de la superficie des pièces à vivre, salon et chambres.

La loi ELAN, une fois votée, n’exigera plus que 20 % de logements neufs adaptés, mais « nous conservons le principe que tous les logements soient visitables, pour que les personnes handicapées puissent s’y rendre, précise Mme Cluzel. C’est-à-dire que salon et toilettes doivent partout être aux normes ».

« S’adapter »

Quant à la notion d’évolutivité des 80 % de logements restant, elle est en cours de définition en vue d’un décret à paraître. Le principe est de faciliter l’adaptation d’un logement à moindre coût, en permettant, d’abord, d’en casser et déplacer les cloisons. Pour ce faire, aucune canalisation ne doit y être fixée ni encastrée et elles courront sur les murs porteurs et extérieurs. Dans la salle de bains, un double siphon encastré dans le sol permettra de remplacer, sans grand frais, une baignoire par une douche plate « à l’italienne ». « C’est une façon innovante de construire, se félicite Mme Cluzel. Elle répond aux demandes des habitants qui pourront ainsi modifier leur appartement selon les besoins : arrivée d’un enfant, accueil d’un parent âgé, divorce, famille recomposée… Et s’adapter à toutes sortes de handicaps que l’on ne peut réduire au déplacement en fauteuil roulant. »

Le gouvernement, qui souhaitait alléger les contraintes et les normes pour construire plus, mieux et moins cher, risque, avec ces mesures, de compliquer un peu la tâche des promoteurs.