Chlordécone : le scandale sanitaire expliqué en six minutes
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Pour son quatrième déplacement dans les outre-mer depuis qu’il a été élu président, Emmanuel Macron est arrivé jeudi 27 septembre en Martinique. En compagnie de plusieurs ministres – Agnès Buzyn (santé), Annick Girardin (outre-mer), François de Rugy et Sébastien Lecornu (transition écologique) et Jacques Mézard (cohésion des territoires) –, le chef de l’Etat doit également se rendre en Guadeloupe, à Saint-Martin et Saint-Barth.

Cette visite de quatre jours du chef de l’Etat est notamment marquée par la question de la contamination au chlordécone – pesticide ultratoxique utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies – dont sont victimes la quasi-totalié des Guadeloupéens et des Martiniquais. M. Macron, qui doit visiter jeudi une exploitation agricole de Morne-Rouge pour rencontrer un agriculteur concerné par la pollution de ses terres, a prévu de faire plusieurs annonces sur le sujet.

Par ailleurs, ces dernières semaines, une contestation est apparue en Martinique pour dénoncer le coût du dépistage sanguin, qui permet d’évaluer la contamination au chlordécone.

  • Qu’est ce que le chlordécone ?

Interdit en France en 1990, le chlordécone a pourtant été utilisé dans les Antilles jusqu’en 1993 pour permettre de lutter contre le charançon du bananier grâce à une dérogation. Mais les conséquences ont été désastreuses. Selon les résultats d’une étude de l’agence Santé publique France, rendus publics en janvier, « plus de 90 % de la population adulte » en Guadeloupe et en Martinique est contaminée par ce pesticide ultra-toxique.

Vingt-cinq ans après son interdiction, le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, distille son poison un peu partout. Pas seulement dans les sols, mais aussi dans les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines… et donc la population elle-même. Le pesticide peut ainsi persister près de sept cents ans dans les sols.

Le chlordécone est aussi fortement soupçonné d’augmenter le risque de cancer de la prostate avec 227 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année en Martinique et 184 en Guadeloupe. Des taux deux fois plus élevés qu’en métropole.

  • Pourquoi la contestation monte sur les dépistages ?

Au cours de l’été, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le coût exorbitant des dépistages sanguins qui permettent de connaître pour chacun le taux de chlordécone dans le sang. Il faut débourser jusqu’à 140 euros pour faire le test et ce n’est pas remboursé par la Sécurité sociale.

Début août, la fédération socialiste de Martinique a lancé une pétition sur le site Change.org pour réclamer « un dépistage gratuit » qui a recueilli plus de 5 000 signatures.

« Aussi, afin qu’en pleine conscience, nous apprenions à vivre avec cet empoisonnement quotidien et pour accéder à ce droit légitime de la connaissance de notre intoxication, nous exigeons ne pas être en plus de victimes sanitaires, des victimes économiques. »

Signé par la première secrétaire de la fédération socialiste, Béatrice Bellay, le texte réclame « le remboursement de ce test pour tous, la mise en place d’une politique sanitaire massive et active de suivi médical des populations impactées et l’ouverture d’une enquête parlementaire ».

  • Qu’a prévu le gouvernement sur la question du chlordécone ?

Quelques heures après son arrivée en Martinique jeudi, le président de la République Emmanuel Macron doit se rendre dans l’exploitation d’un agriculteur du nord de l’île pour évoquer la pollution de ses terres par le chlordécone. A cette occasion le chef de l’Etat doit annoncer plusieurs mesures.

Fin juin, lors de la présentation du « Livre bleu outre-mer », déclinaison de sa politique pour les territoires ultramarins, M. Macron avait déjà évoqué le sujet :

« Parler de la santé, c’est aussi parler des drames du passé et de nos responsabilités collectives, et sur le chlordécone, je serai clair pour dire que nous continuerons le travail avec lucidité et détermination, car on ne peut accepter les situations dans lesquelles nous sommes. »

Fin juillet, le ministère de l’agriculture a décidé de revoir les limites autorisées pour la présence dans les aliments de chlordécone et a demandé à l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation et de l’environnement (Anses) de réévaluer les valeurs toxicologiques de référence, à la suite d’un recours déposé par une association guadeloupéenne devant le tribunal administratif de Paris. Un colloque sur l’état d’avancement des recherches sur la chlordécone est prévu du 16 au 19 octobre en Martinique et Guadeloupe.