Mondiaux de judo : un bilan ni bon ni cata pour la France
Mondiaux de judo : un bilan ni bon ni cata pour la France
Propos recueillis par Catherine Pacary
La délégation française a remporté quatre médailles en individuel à Bakou. Le DTN Jean-Claude Senaud veut y voir le signe qu’elle a su « inverser la tendance ».
Elle était redoutée. Voire annoncée. Surtout en l’absence de Teddy Riner. Au bout du compte, ce n’est « pas tant que ça une catastrophe ! », à en croire Jean-Claude Senaud, le directeur technique national (DTN) de la Fédération française de judo. La délégation française repart avec cinq médailles des Mondiaux de Bakou (Azerbaïdjan), qui s’achevaient jeudi 27 septembre avec les épreuves par équipe mixte. Mais le « pas tant que ça » du DTN traduit le fait que, derrière ce chiffre brut, la situation est un peu plus complexe. Tout particulièrement chez les hommes.
La médaille d’argent glanée par équipe permet à la Fédération d’embellir le bilan, sans toutefois avoir la même valeur ; la discipline n’étant pas olympique. Sans surprise, les femmes ont contribué au gros de la moisson avec l’or pour Clarisse Agbegnenou en moins de 63 kg, l’argent pour Marie-Eve Gahié en moins de 70 kg et le bronze pour Amandine Buchard en moins de 52 kg. Axel Clerget en moins de 90 kg a sauvé l’honneur des hommes avec une médaille de bronze.
Pris dans sa globalité, le bilan est numériquement supérieur à celui des Mondiaux de 2017 : il y a un an, les Bleu(e) s avaient remporté trois médailles en individuel, dont deux étaient en or, auxquelles s’était ajoutée une quatrième par équipe. Cela permet à Jean-Claude Senaud d’évoquer une inversion de tendance.
On reste pourtant en deçà, numériquement et, surtout qualitativement, des bilans des Mondiaux de 2015 (six médailles, dont deux en or) et de 2014 (sept médailles). Ou de celui affiché aux Jeux olympiques de 2016 – cinq médailles, dont deux en or – où il n’y avait pas d’épreuve par équipe.
Il y a un an, le DTN, qui va fêter, le 1er octobre, ses neuf ans à son poste, n’avait d’ailleurs pas mâché ses mots, tant le résultat des Mondiaux 2017 paraissait maigrichon. « Quand on fait face à des gens qui viennent de pays où l’on gagne 250 euros par mois, nous, on est dans le confort et, eux, ils ont vraiment envie d’aller chercher cette prime et cette médaille qui change leur vie dans leur pays, avait alors déclaré M. Senaud. C’est peut-être un peu ça qui nous manque. »
Agbegnenou, la Riner au féminin
Chez les filles, la tête d’affiche Clarisse Agbegnenou, numéro un mondiale avec trois titres d’affilée, a tenu son rang. « Si Teddy est le grand frère, Clarisse est la patronne, apprécie Jean-Claude Senaud. Elle est présente tous les jours, au bout du tapis, toujours là pour soutenir les collègues, avec un vrai caractère. »
Mais hormis Marie-Eve Gahié et Amandine Buchard, d’autres médaillées en puissance ont échoué : Audrey Tcheuméo, double médaillée olympique (argent en 2016, bronze en 2012) et championne du monde 2011, a chuté au troisième tour, Madeleine Malonga, 24 ans, médaillée d’or européenne fin avril, a été éliminée en quarts. Elles s’étaient affrontées en finale aux Championnats d’Europe au printemps. Anne-Fatoumata M’Bairo a, quant à elle, été battue d’entrée de jeu par la Brésilienne Marie Suelen Altheman sur ippon.
« On a une sélection féminine de grande valeur. On peut espérer plein de choses », avance M. Senaud. Le DTN cite ainsi Romane Dicko, « jeune pépite en lourd », championne d’Europe en avril, pour sa première apparition sur la scène continentale à 18 ans, qu’il aurait bien vue avec une médaille autour du cou. Mais une blessure a privé cette dernière du voyage en Azerbaïdjan.
Clarisse Agbegnenou (en blanc) remporte sa 3e médaille d’or face à la Japonaise Miku Tashiro en moins de 63 kg, le 23 septembre à Bakou (Azerbaïdjan). / MLADEN ANTONOV / AFP
« Une vraie prise de conscience »
Chez les messieurs, en revanche, la situation est plus préoccupante. L’absence du décuple champion du monde Teddy Riner, qui préfère ménager ses forces pour les JO de 2020, faisait craindre le pire. A Bakou, elle a pesé. « D’habitude, la dernière journée [la 7e, celle où s’opposent les + 100 kg] se terminait dans un grand sourire parce que Teddy nous ramenait la médaille d’or », rappelle le DTN.
Mercredi, c’est le Géorgien Guram Tushishvili qui a battu l’Azerbaïdjanais Ushangi Kokauri par ippon en finale. La veille, le sacre de Cho Guham en – 100 kg avait permis à la Corée du Sud de doubler la France (jusqu’alors 2e derrière le Japon) au classement des nations. En l’absence de Riner et au vu des classements mondiaux de la saison, le risque d’un zéro médaille chez les hommes était sérieusement envisagé.
La médaille de bronze d’Axel Clerget, 16e mondial, est une belle surprise pour un combattant arrivé à maturité à 31 ans. Elle ne masque pas le fait que les Bleus ont eu un tournoi difficile en dépit des espoirs que pouvait, par exemple, porter un Cyril Maret. Mais le médaillé de bronze à Rio a été éliminé au deuxième tour, « tombé » devant le futur champion du monde de sa catégorie.
Jean-Claude Senaud se veut néanmoins optimiste. Il insiste sur les qualités d’une équipe masculine en pleine reconstruction, sur le « très bon comportement » des judokas français. « Il y a eu une vraie prise de conscience des athlètes, poursuit-il. Les choses que je disais il y a un an, je les pensais. Mais, aujourd’hui, je suis très satisfait, parce que le très haut niveau est exigeant. Il est très dur d’aller chercher les médailles et ils ont montré qu’ils en avaient la capacité et qu’ils le voulaient. » Et s’il n’y a pas plus de réussite, « la démarche, elle, est très intéressante. On a inversé la tendance, chez les filles comme chez les garçons ».
Horizon olympique
Jean-Claude Senaud se positionne sur le moyen terme, à l’horizon olympique, de Tokyo, en 2020, mais surtout de Paris 2024. « On est à mi-olympiades, dit-il. Ici, à Bakou, on a pris plein d’indications qui vont nous permettre de travailler. » Avec des jeunes comme Aurélien Diesse, 20 ans, Luka Mkheidze, 18 ans. « Ils seront alors dans la force de l’âge [25-30 ans en judo]. »
Plus proche, le Grand Chelem de Paris, baptisé Judo Paris Grand Slam, des 10 et 11 février, va permettre d’évaluer les premiers progrès dans un contexte d’un sport toujours plus mondialisé. Seize pays ont ainsi ramené des médailles de Bakou, seul le Japon reste peu partageur avec 17 breloques dont 8 titres. Les années 1990 où la France contestait au pays du judo sa place de première puissance, paraissent bien loin. Il s’agit, désormais, de rester ambitieux, mais sans se montrer trop gourmand.