Salah Hamouri esquisse le V de la victoire après sa sortie de prison, dans son quartier d’Al-Ram,  dans les territoires occupés, le 30 septembre. / AHMAD GHARABLI / AFP

Il doit se lever toutes les deux minutes, mais cette discipline le ravit : elle n’a rien d’un geste carcéral. Il s’agit de saluer les nouveaux arrivants, voisins ou amis, parfois anciens compagnons de détention, venus le saluer. Un mélange de soulagement et d’euphorie enveloppe la maison familiale dans le quartier d’Al-Ram, séparé de Jérusalem par le mur de sécurité. Salah Hamouri, 33 ans, a été libéré dimanche 30 septembre après treize mois de prison, sans connaître les charges précises retenues contre lui.

Il a été libéré sous certaines conditions, notamment celle de limiter ses activités militantes pour la cause palestinienne. Celui qui a passé l’essentiel de sa détention administrative dans la prison de Ketziot dans le désert du Néguev raconte volontiers le quotidien de son expérience derrière les barreaux. Dans la section III, six tentes de vingt détenus, lits superposés. Chaque jour, réveil à 6 h 30, inspection. Puis on s’occupe comme on peut :

« Avec mon expérience de la prison, je savais qu’il fallait rendre chaque journée utile, et ne pas fixer les murs ou compter les étoiles. On essayait d’améliorer notre niveau culturel, de courir un peu, de faire des pompes. J’ai donné des cours d’histoire de la Palestine, de français aussi. »

Son surnom : « le Français ». « C’est mieux que son dernier passage en prison, où on l’appelait Sarkozy ! », rit sa mère, qui est française. Emprisonné pour la première fois en 2005, Salah Hamouri est une figure emblématique en France des réseaux propalestiniens. Il estime que Paris n’a pas tout fait pour accélérer sa libération, malgré la visite consulaire mensuelle. « Je sais que mon dossier était dérangeant et que les relations avec Israël sont spéciales », affirme-t-il.

Procédure hors du cadre judiciaire classique

Chercheur de terrain pour l’organisation palestinienne Addameer, il avait été arrêté le 23 août 2017. La détention administrative est une procédure hors du cadre judiciaire classique, qui permet d’incarcérer une personne sans mise en examen formelle ni procès, et sans qu’elle sache quand elle sortira. La détention peut être renouvelée un nombre illimité de fois, au bout d’une période maximum de six mois. Une majorité de ces détenus − qui sont actuellement environ 450, sur un total de 5 600 prisonniers palestiniens dits « de sécurité » − restent incarcérés pour un an environ, comme Salah Hamouri.

Des ONG comme Amnesty International estiment que ces détentions administratives servent à neutraliser des Palestiniens pour le simple exercice de leur liberté d’expression.

Dans le cas de Salah Hamouri, son passé carcéral a forcément pesé, sans qu’on sache quels faits nouveaux lui étaient reprochés, outre l’argument vague d’un « danger pour la sécurité publique ». En 2005, il avait été condamné à sept ans de prison, en plaidant coupable afin de diminuer sa peine, pour appartenance à une cellule du Front populaire de libération de la Palestine qui aurait planifié l’assassinat d’Ovadia Yossef, grand rabbin fondateur du parti religieux Shass. Il avait figuré, en 2011, parmi les quelque mille prisonniers palestiniens libérés en échange du soldat Gilat Shalit, détenu par le Hamas à Gaza.

Salah Hamouri reste d’une détermination farouche dans sa lutte contre l’occupation. Certes, il estime que la priorité est « de parvenir à la réconciliation » entre factions palestiniennes. Mais lorsqu’on l’interroge sur l’emploi de la violence, il répond : « Le droit international nous garantit tous les moyens de lutte. C’est à nous de décider. »

Depuis 2016, son épouse française, Elsa Lefort, reste interdite d’entrée sur le territoire israélien. La réunion du couple devra encore attendre. Salah Hamouri doit d’abord obtenir une prolongation de son visa de résident à Jérusalem. « On va vivre en Palestine », déclare-t-il. Pas sûr que les autorités israéliennes autoriseront ces retrouvailles.