Jacqueline Sauvage, ou l’urgence de sauver sa vie
Jacqueline Sauvage, ou l’urgence de sauver sa vie
Par Martine Delahaye
Muriel Robin fait plus qu’interpréter la femme violentée, meurtrière graciée, lundi soir sur TF1 ; dans ce téléfilm, elle appelle à « sauver celles qui sont encore vivantes ».
Lundi 1er octobre, TF1 diffuse Jacqueline Sauvage : c’était lui ou moi, avec Muriel Robin dans le rôle-titre. Ce téléfilm en deux parties retrace le procès et, par flash-back, des pans de la vie familiale de Jacqueline Sauvage, qui tua son mari en septembre 2012 après avoir subi près d’un demi-siècle de violences. Une femme qui, à 68 ans, après trois ans d’emprisonnement, fut condamnée en appel, en 2015, à dix ans de réclusion criminelle, puis graciée par le président François Hollande en décembre 2016.
Adapté du livre Je voulais juste que ça s’arrête (Fayard, 2017), que Jacqueline Sauvage a écrit en collaboration avec ses deux avocates, Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini, le scénario met en avant une ligne de défense qui a fait débat au moment de « l’affaire Sauvage » et que la citoyenne Muriel Robin reprend à son compte en s’engageant pour qu’évolue en France la notion légale de légitime défense concernant les femmes battues.
Pressentiments et droit
Lorsque Jacqueline Sauvage tire trois balles dans le dos de son mari, le 10 septembre 2012, il aurait fallu, pour que la loi permette de la reconnaître en légitime défense, que son crime soit « concomitant » à une agression de la part de son conjoint, et que son attaque puisse être jugée « proportionnelle » à la violence de ce mari. Or, au moment précis où elle tirait, il buvait un verre sur la terrasse. Jacqueline Sauvage pressentait qu’il allait la tuer le soir même, selon ce qu’indique avec clarté la fin du téléfilm, mais pressentiments et droit ne relèvent pas du même univers.
« Il faut qu’elle change, cette loi ! Aujourd’hui encore, quand tu dis qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint, ça n’imprime pas. Alors, il faut provoquer le débat ! », soutient, dans le téléfilm, Alix Poisson, interprète de l’avocate Nathalie Tomasini. Peu importe que la meurtrière ait vu ses enfants grandir dans la terreur, tonne l’avocate, peu importe qu’elle ait subi des décennies de violence et une agression physique très peu de temps avant le crime ? Tout cela ne vaut rien, ne vaut pas la légitime défense, simplement parce que le crime, l’explosion traumatique, n’a pas eu lieu à l’instant exact où l’accusée était violentée ? Et qu’est-ce qu’une réponse « mesurée », face à des années de brutalités ? « Une femme battue est en permanence en état de légitime défense », entendait montrer la défense lors du procès en appel, en décembre 2015.
Appel à faire évoluer le cadre légal
Une semaine avant la diffusion de ce téléfilm, le 22 septembre, Muriel Robin, lançait dans le Journal du dimanche un appel contre les violences faites aux femmes, signé par 88 personnalités du monde du spectacle et intitulé « Sauvons celles qui sont encore vivantes ».
Un appel qui, à son tour, contre l’avis du monde judiciaire et du ministère, appelle à faire évoluer le cadre légal de la légitime défense dans le cas des femmes battues. Un manifeste auquel la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a répondu en annonçant, lundi 1er octobre sur RTL, « un premier plan spécifique contre les violences conjugales ».
En attendant d’en voir les bénéfices, Muriel Robin a appelé les Français à la rejoindre, samedi 6 octobre, à 14 heures, afin de manifester devant le tribunal de Paris pour faire accepter les propositions contenues dans son appel.
Jacqueline Sauvage : c’était lui ou moi, téléfilm adapté du récit de Jacqueline Sauvage et réalisé par Yves Rénier. Avec Muriel Robin, Alix Poisson, Olivier Marchal (Fr., 2018, 2 × 45 min). Sur TF1, lundi 1er octobre à 21 heures.