Le compromis d’Elon Musk, président évincé de Tesla, avec le gendarme boursier américain
Le compromis d’Elon Musk, président évincé de Tesla, avec le gendarme boursier américain
Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
Accusé de fraude par la SEC, l’emblématique patron est évincé du poste de président du conseil d’administration même s’il reste aux manettes de son entreprise.
Elon Musk, le fondateur de Tesla, à Hawthorne, en California, le 30 avril 2015. / Patrick Fallon / REUTERS
Elon Musk pourra continuer à mettre son talent au service de Tesla, mais il est évincé du poste de président du conseil d’administration et ne pourra plus mettre sens dessus dessous sa communication financière. C’est au fond le sens du compromis qu’a dû signer, samedi 29 septembre, le patron du groupe d’automobiles électriques avec la Securities and Exchange Commission (SEC).
Le « gendarme » boursier américain avait déposé plainte contre Elon Musk jeudi 27 septembre pour avoir envisagé dans une série de sept Tweet inexacts, diffusés à partir du 7 août, de retirer son entreprise de la cote au prix de 420 dollars l’action. Il n’en était rien et aucun financement n’avait été prévu pour cette opération estimée à plusieurs dizaines de milliards de dollars, contrairement à ce qu’avait prétendu M. Musk. La SEC avait demandé à un tribunal de Manhattan d’interdire à M. Musk d’exercer tout mandat social et de dirigeant dans des entreprises cotées. L’affaire avait provoqué une chute de 14 % de l’action Tesla, dont les investisseurs estiment que l’avenir dépend largement de son emblématique patron.
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Dès vendredi, M. Musk est allé à Canossa et un compromis a été annoncé par la SEC : M. Musk ne sera plus président (chairman) du conseil d’administration de son entreprise pendant trois ans au moins. Un remplaçant indépendant sera nommé ainsi que deux administrateurs indépendants, pour améliorer la gouvernance de l’entreprise. M. Musk pourra rester membre du conseil d’administration et directeur général du groupe (chief executive officer), mais sa communication sera mise sous tutelle. Dès 2013, Tesla avait notifié que M. Musk communiquerait avec ses actionnaires sur Twitter, mais il s’est avéré que ces Tweet n’étaient nullement contrôlés. Le conseil d’administration supervisera désormais la communication de M. Musk avec les investisseurs.
L’addition a augmenté
Enfin, Tesla et M. Musk vont devoir acquitter une amende de 20 millions de dollars (environ 17 millions d’euros) chacun pour dédommager les investisseurs lésés par ces Tweet hasardeux. La fortune de M. Musk est évaluée à 20 milliards de dollars par le magazine Forbes.
Selon la presse américaine, M. Musk avait refusé une première proposition de compromis avec la SEC – retrait de deux ans du poste de président et 10 millions de dollars d’amende, selon le Wall Street Journal – semble-t-il parce qu’il avait peur qu’une transaction avec le régulateur boursier soit une reconnaissance de faute et l’empêche à l’avenir de lever les capitaux dont il a besoin pour ses entreprises, qu’il s’agisse de Tesla et de SpaceX. Exaspérée de ce faux bond, la SEC a déposé plainte jeudi. Les proches de M. Musk l’ont alors convaincu du danger qu’il y avait à continuer affronter l’autorité boursière. Quand il est revenu à la table des négociations, l’addition présentée par le SEC, furieuse du chaos boursier de vendredi, avait augmenté, à prendre ou à laisser.
Sortie de crise
Dans l’accord avec la SEC, qui doit être avalisé par le tribunal de Manhattan, M. Musk ne reconnaît ni ne nie avoir trompé les investisseurs, ce qui signifie qu’il ne pourra pas affirmer à l’avenir ne jamais avoir commis de faute. Mais, selon le New York Times, M. Musk a eu la garantie de la SEC que cet accord ne serait pas utilisé contre lui pour l’empêcher de lever des capitaux – actions, publiques ou privées, dette – pour ses entreprises.
Cette sortie de crise est analysée positivement par la communauté financière. La SEC ne pouvait pas laisser M. Musk continuer de faire n’importe quoi dans sa communication financière, mais son éviction risquait d’être fatale à ses entreprises. Cité par le Financial Times, l’analyste de la Barclays, Brian Johnson, estimait que la présence de M. Musk chez Tesla représentait 22 milliards de dollars, soit la moitié de sa capitalisation boursière. « Si la SEC réussissait à empêcher M. Musk d’être dirigeant de Tesla, les investisseurs regarderaient la valeur de l’entreprise comme celle d’un fabricant automobile de niche, plutôt qu’une entreprise dirigée par un inventeur capable de chambouler de nombreuses industries », déclarait M. Johnson.
La nouvelle pourrait interrompre la spirale négative de Tesla, qui risque d’avoir besoin de capitaux, alors qu’elle est endettée à hauteur de 10 milliards de dollars. Les Tweet de M. Musk ont été vus comme une manœuvre pour « tuer » les vendeurs à découvert de l’action Tesla, qui ne croient pas au programme de montée en charge industrielle de l’entreprise.