Le chômage américain au plus bas depuis 1969
Le chômage américain au plus bas depuis 1969
Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
Sur les neuf premiers mois de l’année, 211 000 emplois ont été créés en moyenne, en net progrès par rapport aux 182 000 de 2017.
« Now Hiring » (« nous embauchons ») sur la porte d’un magasin, à Boston, Massachusetts. / REUTERS / BRIAN SNYDER
Donald Trump s’en est réjoui, et il aurait eu tort de ne pas le faire : « Ça vient de sortir : 3,7 %. Le chômage est au plus bas depuis 1969 ! », s’est réjoui le président des Etats-Unis juste après la publication des chiffres de l’emploi, vendredi 5 octobre. Le taux de chômage a reculé en août plus que prévu, de 0,2 point par rapport au mois de juillet, et a retrouvé pour la première fois ses niveaux du temps de la guerre du Vietnam.
Sur les neuf premiers mois de l’année, 211 000 emplois ont été créés en moyenne, en net progrès par rapport aux 182 000 de 2017. La participation à l’emploi est stable, au niveau de 62,7 %, chiffre qui est bas mais qui est jugé de manière plutôt positive en raison du vieillissement de la population. Enfin, les salaires ont augmenté de 2,8 % sur un an — ce chiffre était de 2,9 % en août —, ce qui confirme une hausse modeste mais régulière.
Dans ce contexte, les opérateurs s’attendent à ce que la Fed — qui a remonté en septembre ses taux dans une fourchette comprise entre 2 % et 2,25 % — poursuive sa politique de resserrement monétaire. Cette anticipation avait d’ailleurs conduit la veille à des ventes de bons du Trésor, entraînant une hausse des taux d’intérêt à dix ans. Vendredi, après la publication des chiffres de l’emploi, ils atteignaient 3,22 %, leur plus haut niveau depuis mai 2011.
Réduction d’impôt et augmentation des dépenses
La conjoncture est clairement dopée par le double programme de réduction d’impôt et d’augmentation des dépenses de Donald Trump, qui a conduit à des déficits de l’ordre de 5 % du produit intérieur brut, mais à une croissance qui devrait dépasser 3,1 % cette année. Cette politique risque de se poursuivre, s’est inquiété Adam Posen, président du Peterson Institute for International Economics, à Washington, lors de la présentation des prévisions semestrielles de ce think tank jeudi 4 octobre : si les démocrates remportent la Chambre, un programme de grands travaux pourrait être décidé ; si les républicains la conservent, de nouvelles baisses d’impôt pourraient être annoncées.
Pourtant, selon des économistes comme Karen Dynan, professeure à Harvard et invitée du Peterson Institute, le stimulus aura des effets négatifs à partir de 2020, faisant retomber la croissance sous son rythme normal, estimé à 1,8 %. Les Etats-Unis connaissent leur plus longue période de croissance historique sans récession (9,3 ans), après celle des années 1990. Mme Dynan a toutefois brossé un tableau très positif de l’économie américaine : le patrimoine des ménages est remonté à sept fois leur revenu annuel ; leurs intérêts d’emprunt ne représentent que 10 % de leur revenu disponible — contre 13 % au moment de la grande crise financière — ; tandis que leur taux d’épargne est beaucoup plus élevé qu’attendu, d’environ 6,5 %.
Sur le front de l’emploi, Jason Furman, professeur à Harvard et associé du Peterson Institute, a essayé d’expliquer la faible progression des salaires. Cet ancien conseiller de Barack Obama a démonté une idée reçue, celle des inégalités croissantes. En réalité, les salaires du premier quintile de revenus — les plus pauvres — croissent aujourd’hui plus qu’ils ne le faisaient à la fin des années 1990, comme en attestent la hausse du salaire minimal dans de nombreux Etats ou la remontée de salaires dans les entreprises à forte intensité de main-d’œuvre peu qualifiée, comme Amazon. De même, la tendance sur la participation à l’emploi est comparable à celle de l’époque qui était déjà mauvaise, l’inflation est plus élevée que sous l’ère Clinton. Reste donc la faiblesse des gains de productivité pour expliquer cette relative faiblesse des salaires.