Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. / THOMAS SAMSON / AFP

Le « dégagisme » arrive Place du Colonel Fabien. Les militants communistes devaient se prononcer entre jeudi 4 octobre et samedi 6 octobre sur quatre textes en lice pour leur congrès, qui se déroulera fin novembre, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Et le résultat est inédit : la « base commune », défendue par la direction sortante, autour de Pierre Laurent (secrétaire national depuis 2010) est battue par le « manifeste du Parti communiste du XXIe siècle », porté, entre autres, par André Chassaigne, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, et Fabien Roussel, patron de la puissante fédération du Nord, dont le nom circule pour remplacer M. Laurent à la tête du PCF. Le texte de la direction recueillant 37,99 % des exprimés (sur 30 172 suffrages exprimés), le texte alternatif, totalise, lui, 42,15 %.

Pierre Laurent a réagi dans la foulée de la publication des résultats :

« Le vote des communistes n’a pas placé la proposition de base commune du Conseil national en tête. J’en prends acte. Je respecte les choix des communistes. Je note que les résultats sont très partagés. Nous avons une nouvelle base commune pour discuter et pas de majorité à ce stade pour avancer. Nous avons donc devant nous un immense débat à poursuivre sur nos choix et un immense défi à relever pour la construction commune,
l’unité et le rassemblement des communistes jusqu’au congrès. Les semaines qui viennent nous appellent toutes et tous au travail commun. J’y mettrai toute mon énergie. »

« Vote utile »

Le « Manifeste », comme le surnomment les communistes, a su résoudre la quadrature du cercle du PCF : être à la fois très critique sur le bilan de la direction − notamment sur l’absence de candidat communiste à la présidentielle − et sur Jean-Luc Mélenchon.

La personnalité d’André Chassaigne, roué député du Puy-de-Dôme, extrêmement populaire à la base du PCF, a aussi joué en la faveur d’une contribution qui apparaissait comme le « vote utile » pour des communistes en colère qui ne souhaitent qu’une chose : renforcer leur parti et le remettre sur le devant de la scène politique. L’année 2017 a été très mal vécue, avec de mauvais résultats aux élections législatives (2,72 % des voix au premier tour) qu’un groupe à l’Assemblée n’arrive pas à faire oublier.

Pourtant, l’attelage pouvait surprendre : MM. Chassaigne et Roussel côtoyaient des militants « durs » proches de l’ancien maire de Vénissieux André Gerin et le « pôle économie » de Frédéric Boccara. Une « alliance de la carpe et du lapin », comme le dénonçaient ses contempteurs, qui a su séduire au-delà de ses bases naturelles. Le « Manifeste » arrive ainsi en tête dans de nombreuses fédérations (Val-de-Marne, Paris, Nord, Pas-de-Calais, entre autres) et est très haut dans plusieurs autres (Côte-d’Or, Moselle).

Camouflet

Une chose est sûre : ces résultats constituent un camouflet pour Pierre Laurent qui briguait un nouveau mandat. Le sénateur de Paris est même minoritaire dans sa propre fédération… Des rumeurs autour de sa démission circulent déjà dans les couloirs du siège. Une période de grande incertitude s’ouvre Place du Colonel Fabien. Beaucoup de ces questions seront résolues le samedi 13 octobre, lors du prochain conseil national (parlement du parti).

« En application de nos statuts, le texte “Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle” devient donc la base commune de discussion dont tou·te·s les communistes doivent désormais se saisir pour la travailler, l’enrichir de tous les débats et contributions jusqu’au
terme du congrès, avec l’impératif d’une construction collective,
écrit la direction dans un communiqué envoyé samedi soir. Il reviendra au Conseil national des 13 et 14 octobre, ainsi qu’aux conseils départementaux, d’analyser et de tirer les enseignements politiques des choix effectués les 4, 5 et 6 octobre par les communistes »

Les deux autres textes en compétition, sont loin derrière. « Pour un printemps du communisme », emmené par les députés Stéphane Peu et Elsa Faucillon, veut « rassembler les forces antilibérales » pour bâtir un « front commun », principalement avec La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon. Il recueille 11,95 % des voix. Beaucoup de militants le trouvaient trop proche de LFI. Enfin, le texte que d’aucuns qualifient d’« orthodoxe », et porté par les militants de Vive le Parti communiste autour d’Emmanuel Dang Tran réunit quant à lui 7,90 % des suffrages.