Sarah Bouhaddi, le 4 mars, face aux Etats-Unis. / KENA BETANCUR / AFP

La concurrence n’a pas ébranlé son assurance. Sarah Bouhaddi a accepté, sans protester, de voir les cartes rebattues lorsque, il y a un an, Corinne Diacre a été nommée sélectionneuse de l’équipe de France féminine. La gardienne de but s’est assise sur le banc des remplaçantes, au profit de Karina Benameur, lors de trois rencontres des Bleues entre novembre 2017 et avril 2018. La suite a donné raison à cette joueuse expérimentée qui a connu sa première cape internationale en 2004, à l’âge de 17 ans. Le 25 septembre, après cette période d’incertitude, elle a été confirmée au poste de titulaire.

« Sarah sait que c’est elle qui, sauf pépin, fera la Coupe du monde. Elle le sait, elle se prépare pour ça », a annoncé Corinne Diacre en conférence de presse. En juin 2019, à 32 ans, Bouhaddi disputera donc son deuxième Mondial, un tournoi qui aura une saveur d’autant plus particulière qu’il se déroulera en France, entre le 7 juin et le 7 juillet.

Mais avant cela, quelques jours après une victoire 2 à 0 contre l’Australie, elle honore face au Cameroun, mardi 9 octobre à Grenoble, sa 133e sélection.

Un surnom : « Zlatan »

Alors qu’elle reste sur cinq matchs sans prendre un seul but avec les Bleues, Sarah Bouhaddi revient sur cette période qui aurait pu la faire douter : « Forcément, quand un nouveau staff arrive, on sait qu’il va y avoir une remise en question et de nouveaux choix. J’ai eu des hauts et des bas en équipe de France. Cette annonce est un soulagement, mais ça ne change pas ma façon de travailler. »

Evoluant au haut niveau depuis quinze ans, la gardienne s’appuie sur une longue expérience. Consciencieuse, elle veut toujours progresser : « Je dois être plus efficace dans certaines sorties et aussi gommer les erreurs de jeu au pied trop facile. Avec l’âge, tu comprends que c’est parfois mieux de dégager en touche plutôt que de mettre l’équipe en difficulté. »

La milieu de terrain Amel Majri met en avant une qualité de sa coéquipière, en club à l’Olympique lyonnais (OL) et chez les Bleues : « A Lyon, on la surnomme Zlatan. Quand il manque une joueuse à l’entraînement, elle aime bien jouer en pointe. Et elle marque. On en rigole en lui disant qu’elle est meilleure dans le champ ! »

Comme bon nombre de ses coéquipières, adolescente, la Cannoise est passée par la pépinière du football français, le Centre national de formation et d’entraînement de Clairefontaine. Puis, elle a débuté au haut niveau avec Toulouse et Juvisy (Essonne), avant de s’imposer, à partir de 2009, dans les buts de la meilleure équipe européenne, l’OL.

Caricatures

A Lyon, au sein d’un club qui domine sans partage la scène nationale et européenne (douze titres consécutifs de champion de France et cinq Ligue des champions en huit ans), Sarah Bouhaddi est confrontée à une difficulté particulière. A l’image de Victor Valdes, ex-gardien du Barça à l’époque de son ultradomination, elle est habituellement très peu sollicitée au cours d’un match.

Malgré cela, elle doit pourtant garder sa concentration afin d’être prête à intervenir à n’importe quel moment. De quoi compliquer encore un peu plus un poste déjà bien spécifique. « Sarah, c’est l’une des meilleures gardiennes. C’est un poste très exposé. Dès qu’elles font la moindre erreur, elles sont critiquées. Si Sarah réussit trois beaux arrêts dans un match mais qu’une attaquante marque un triplé, on ne va parler que de la buteuse », défend Amel Majri.

D’autant que si le football féminin est en train de gagner la bataille pour sa légitimité, certaines caricatures ont la vie dure. La première d’entre elles concerne les gardiennes, moquées car elles ne seraient pas au niveau. Ces critiques ont tendance à oublier que chez les hommes, aussi, ce poste spécifique a évolué lentement au cours de plusieurs décennies.

Ligue des champions féminine : la victoire de l'OL
Durée : 02:55

« J’entends pas mal de conneries. Il faudrait rapetisser les cages ou abaisser la barre transversale, assène Sarah Bouhaddi, loin d’être perturbée. Il y a bien sûr des domaines où les gardiennes doivent évoluer. Nous avons un domaine athlétique moins important que les hommes. On voit pas mal de buts quand le ballon est placé sous la barre. Il faut l’accepter et travailler. Il n’y a rien d’impossible. »

Main fracturée

La Lyonnaise, qui ne cache pas son désir de quitter le club depuis quelques mois, affiche une force de caractère peu commune. On en a encore eu l’illustration lors des deux dernières finales de Ligue des champions qu’elle a remportées avec son club.

Le 1er juin 2017, pleine de sang froid, elle transformait au bout du suspense le tir au but victorieux à Cardiff face au PSG. Cette année, le 24 mai à Kiev, courageuse, elle terminait les prolongations contre Wolfsbourg malgré une fracture du cinquième métacarpien de la main gauche. Plutôt handicapant pour une gardienne. Un geste à l’égal du Kaiser Franz Beckenbauer en personne, qui avait achevé l’épaule en vrac, bandée, la demi-finale du Mondial 1970.

Auréolée de multiples titres en club (20 en neuf ans), Sarah Bouhaddi n’a toujours rien gagné sous le maillot tricolore. « On a peut-être eu la meilleure génération de notre histoire au point de vue de la qualité individuelle. Malheureusement, on n’a pas réussi à fonctionner de manière collective. Aujourd’hui, nous avons un mélange de jeunes et d’anciennes. Pour le moment, ça fonctionne bien », analyse-t-elle.

Vingt et un ans après le sacre à domicile des hommes, les Bleues peuvent rêver d’un premier trophée l’été prochain, elles qui n’ont jamais fait mieux qu’une 4e place au Mondial 2011 et aux JO 2012.