Football : Tanguy Ndombele, le nouveau Bleu, a connu un début de carrière sinueux
Football : Tanguy Ndombele, le nouveau Bleu, a connu un début de carrière sinueux
Par Anthony Hernandez
Non conservé par le centre de formation de l’En Avant en 2014, le milieu lyonnais revient en grande pompe à Guingamp, porteur du maillot bleu de l’équipe de France.
Tanguy Ndombele, à Clairefontaine (Yvelines), le 8 octobre. / FRANCK FIFE / AFP
L’éclosion précoce de Kylian Mbappé, qui s’est affirmé comme l’un des meilleurs joueurs au monde en une saison et demie à peine, n’avait guère surpris les initiés. L’attaquant avait peut-être surpassé, il est vrai, les attentes que le football français avait placées en lui dès son plus jeune âge. La première sélection de Tanguy Ndombele, 21 ans, encore inconnu il y a un an, relève, elle, d’un parcours finalement beaucoup plus surprenant.
Pensez donc, le milieu de terrain de l’Olympique lyonnais, qui a été appelé par Didier Deschamps pour les matchs face à l’Islande, jeudi 11 octobre, et l’Allemagne, mardi 16 octobre, évoluait encore au mois d’août 2017 à Amiens, tout juste promu en Ligue 1. Un an plus tôt, le 9 août 2016, il débutait seulement chez les professionnels lors d’un obscur match de Coupe de la ligue des Picards face à Clermont.
Mbappé, auteur d’un quadruplé contre l’OL dimanche 7 octobre, est devenu champion du monde dès cet été ; Ndombele, quant à lui, est passé par la case de l’équipe de France espoirs et s’est adapté rapidement au haut niveau à son arrivée à Lyon, troisième du dernier championnat de France.
Cette année, le Francilien, né à Longjumeau (Essonne), a passé sans coup férir le test de la Ligue des champions. A la fin septembre, lors de l’exploit lyonnais à Manchester City (victoire 2-1), il a été étincelant. Face au PSG, malgré la déroute collective (5-0), il a encore réalisé une première période exceptionnelle.
Tanguy Ndombele 2018 - Crazy Skills Show
Durée : 08:24
« Première touche de balle fulgurante »
Sélectionneur des espoirs, Sylvain Ripoll a détecté le potentiel de Ndombele alors que celui-ci évoluait encore à Amiens. Le milieu avait d’ailleurs été autorisé à signer à l’OL lors de son premier rassemblement dans l’antichambre des Bleus.
« Quand on est performant en club, en sélection, que l’on est régulier au haut niveau, les chances de taper à la porte des A sont plus importantes, commente Sylvain Ripoll. Tanguy a des qualités bien spécifiques et rares. Comme on le dit souvent, il percute et casse les lignes, mais il a surtout cette première touche de balle fulgurante, qui donne de la vitesse au jeu et qui crée le déséquilibre chez l’adversaire. »
Entraîneur d’Amiens, Christophe Pélissier n’est pas non plus surpris par l’ascension de son ancien poulain : « J’ai toujours dit que c’était un joueur hors norme pour nous. Au bout d’une semaine avec le groupe, on a compris qu’il n’allait plus le quitter. Il était stagiaire et on l’a fait signer pro. L’équipe de France ? S’il continuait de travailler, c’est le destin que je lui avais prédit quand il nous a quittés. »
La faculté de franchir chaque nouvelle étape avec une facilité déconcertante trouve une explication dans son caractère. « La pression n’a aucune prise sur lui. Il est insouciant et c’est ce qui lui permet d’être immédiatement performant. Maintenant, on va voir s’il y arrive également avec les Bleus », s’interroge Pelissier.
Entre insouciance et nonchalance
Cette insouciance a cependant parfois confiné à une certaine nonchalance. Tanguy Ndombele a en effet connu le goût acre de l’échec. A Guingamp, qu’il a découvert à 14 ans et qu’il va retrouver jeudi soir avec les Bleus, l’adolescent a d’abord connu des moments difficiles, allant jusqu’à se faire recaler au bout de trois ans, en 2014. Talentueux, l’apprenti footballeur se laissait un peu vivre. Or, quand il se relâche, il a tendance à prendre du poids.
A l’époque directeur du centre de formation de l’En Avant, Lionel Rouxel, actuel sélectionneur des 19 ans tricolores, se souvient de son passage : « Tanguy n’était pas prêt pour l’exigence du haut niveau. On l’a bousculé un peu, on a essayé de tirer le maximum de lui, mais il ne faisait pas les efforts sur le terrain et en dehors. Par contre, les qualités qu’il a aujourd’hui, il les avait déjà. »
Ici face au PSG de Neymar, Tanguy Ndombele est devenu l’un des meilleurs joueurs de Ligue 1 en une seule saison. / Michel Euler / AP
Sans club, Tanguy Ndombele a alors été refusé par d’autres centres de formation, à Angers, Caen ou encore Auxerre, avant de trouver un salut inespéré à Amiens. Comment expliquer cette métamorphose ? « Lorsque vous êtes au pied du mur, vous n’avez plus le choix. Il a pris conscience des efforts nécessaires une fois qu’il a été dans un autre club, analyse Rouxel a posteriori. Le club et moi ne sommes pas déçus. Je suis content pour lui, mais on peut avoir des regrets. A un moment, on ne pouvait plus, il fallait dire stop. Finalement, ce coup de pied aux fesses lui a été bénéfique. »
« Gratter la carapace »
Si Ndombele a pris une dimension footballistique indéniable, le jeune homme a encore un domaine où il a tout à apprendre, celui de la communication. Il n’a pas digéré le passage de l’anonymat amiénois aux feux des projecteurs lyonnais. Son ex-entraîneur Christophe Pélissier décrypte sa personnalité : « C’est quelqu’un de timide à l’extérieur, de taiseux même avec le staff. Il est différent à l’intérieur du groupe, où il est apprécié. Dès que l’on gratte un peu la carapace, tout change. C’est un bon garçon. »
A Lyon, il faut le voir tout faire pour échapper aux médias à la fin des matchs, dans la fameuse zone mixte ouverte à la presse. « Il essaie de tracer en se cachant derrière les panneaux publicitaires pour ne pas répondre aux questions. Il n’a pas encore compris qu’il était désormais dans un grand club avec les obligations médiatiques qui en découlent », confie Razik Brikh, suiveur de l’OL pour le magazine Lyon Capitale.
Un peu avant l’annonce de la sélection de Ndombele, le journaliste lyonnais a vécu une drôle d’expérience en interview. « Il est arrivé en disant qu’il espérait que ça n’allait pas être trop long et qu’il n’avait pas envie de parler. Il a fait des réponses courtes. C’était compliqué, et pourtant l’entretien était bienveillant et n’avait rien d’un piège, raconte Razik Brikh. Je l’ai senti sincère. Cela n’avait rien de méchant, mais il pensait vraiment qu’il n’avait rien à dire de particulier. Il est encore un peu naïf. Il n’a pas encore compris qu’il ne suffit pas de bien jouer au foot. »
Tanguy Ndombélé : "Une autre sensation", Equipe de France I FFF 2018
Durée : 02:50
En interne, au club, on s’est d’ailleurs inquiété à l’idée de le voir passer sur le grill de la conférence de presse chez les Bleus. Didier Deschamps, qui attache une grande importance à la communication maîtrisée de ses joueurs, s’est naturellement renseigné sur les aptitudes médiatiques de Tanguy Ndombele. Hasard ou pas, c’est finalement la propre chaîne de la Fédération française qui a recueilli les premiers mots du nouvel international. Son passage en conférence de presse attendra encore un peu. Pour le moment, c’est seulement sur le terrain que l’on jugera ses débuts internationaux.