La tentation identitaire des Jeunes Républicains
La tentation identitaire des Jeunes Républicains
Par Olivier Faye
Le mouvement jeunesse du parti Les Républicains élit son président samedi. En lice, Aurane Reihanian, soutenu par Laurent Wauquiez, et Charles-Henri Alloncle : deux candidats qui traduisent la forte droitisation des JR.
Laurent Wauquiez lors d’une rencontre avec de jeunes militants LR pendant la Fête de la violette, rassemblement politique organisé à Souvigny-en-Sologne, le 30 septembre 2017. / GUILLAUME SOUVANT / AFP
« La politique est une guerre sans effusion de sang », professait le président Mao. Et chez les Jeunes Républicains (JR) personne ne veut perdre de temps avant de passer aux travaux pratiques. Le mouvement jeunes du parti Les Républicains (LR) doit élire, samedi 13 octobre, son nouveau responsable dans un climat d’âpreté qui n’a rien à envier aux combats de leurs aînés. Deux candidats sont en lice pour diriger ce bataillon qui ne compte plus que quelques milliers d’adhérents : Aurane Reihanian, protégé du président de LR, Laurent Wauquiez, et Charles-Henri Alloncle, ancien chef de file des jeunes soutenant Nicolas Sarkozy pendant la primaire de la droite, en 2016. Un affrontement qui a peu à voir avec les débats de fond – tous deux se reconnaissent dans la ligne de M. Wauquiez – mais qui traduit la droitisation de cette jeunesse militante.
Favori de longue date, Aurane Reihanian, 24 ans, avait vu son étoile pâlir en début d’année à la suite de propos polémiques – il avait notamment estimé dans Libération que les enfants nés grâce à la procréation médicale assistée (PMA) « ne devraient même pas exister », avant de s’excuser. Le jeune homme, qui travaille à mi-temps au cabinet du président de la région Auvergne-Rhônes-Alpes et à mi-temps comme collaborateur de la députée LR de Haute-Loire, Isabelle Valentin, successrice de M. Wauquiez dans sa circonscription, était programmé pour prendre le poste en sautant la case élection. Mais ses sorties de route ont contraint la direction des Républicains à mettre en place une mission de réflexion, qui a planché pendant plusieurs mois sur l’organisation du scrutin. Essoré par les polémiques, visé par les coups de boutoir de ses adversaires – appels anonymes aux journalistes, accusations de collusion avec le Rassemblement national (RN, ex-FN) – le jeune « wauquiéziste » confiait en février à un proche : « Ils savent que j’ai déjà les deux genoux à terre, ils veulent m’achever. »
« On ne fait plus aimer la France »
Après avoir suivi une cure de quelques mois à l’écart des médias, l’impétrant est reparti en campagne, mais refuse de risquer à nouveau de parler des dossiers de fond : seul l’appareil militant l’intéresse, désormais. Il faut donc retourner un peu en arrière pour mieux comprendre son positionnement. Aurane Reihanian dessinait ainsi il y a quelques mois auprès du Monde sa vision de la jeunesse de droite d’aujourd’hui. « Nous sommes ceux qui ont le plus subi l’idéologie de la gauche, nous récoltons les fruits des dérives de Mai 68, affirmait-il. Les manuels scolaires sont imprégnés de cette idéologie-là. On ne donne plus les heures glorieuses de l’histoire de France, on ne fait plus aimer la France. » S’il affirme ne pas vouloir engager de rapprochement entre son parti et l’extrême droite, le militant incarne clairement cette génération biberonnée aux envolées identitaires d’un Eric Zemmour ou d’un Philippe de Villiers.
Le jeune homme s’était présenté, en 2014, sur une liste dissidente de l’UMP aux municipales à Paris, menée par Charles Beigbeder. Ce dernier est devenu ensuite un chaud partisan de l’union des droites. Aujourd’hui, Aurane Reihanian a renoncé à se présenter aux élections européennes de 2019 et viserait plutôt une position éligible aux municipales sur la liste de LR à Bourg-en-Bresse (Ain), en 2020, dans son département d’adoption. Une attitude qui lui vaut le sobriquet d’« apparatchik » au sein du mouvement.
« La sécurité, première des libertés »
En face, Charles-Henri Alloncle, 24 ans, ne se trouve pas sur des positions très éloignées d’un point de vue idéologique. « Sur le fond, il y a peu de choses qui nous différencient, reconnaît volontiers ce diplômé de Sciences Po et HEC, qui travaille dans le conseil aux jeunes entrepreneurs. Il y a une vraie demande identitaire au sein du parti. Nous pouvons être la voix des territoires, les garants d’une sécurité culturelle, faire en sorte que les étrangers soient assimilés, que la sécurité, première des libertés, soit assurée, etc. » Le jeune professeur agrégé de philosophie conservateur François-Xavier Bellamy, très populaire à droite, lui a d’ailleurs apporté son soutien. Tout comme le chef de file de la branche jeunes de Sens commun, ce mouvement associé à LR fondé par d’anciens militants de La Manif pour tous. S’il ne peut pas se targuer du même nombre d’appuis en termes d’élus et de dirigeants que son adversaire, le sarkozyste a néanmoins eu le privilège d’être reçu discrètement par Valérie Pécresse, le 2 octobre, dans les bureaux de la présidente de la région Ile-de-France, à Paris. Cette dernière ne lui a pas exprimé pour autant de soutien public.
En coulisse, Erik Tegnér, jeune militant connu pour avoir clamé dans les médias sa volonté d’unir les droites, du Rassemblement national au parti Les Républicains, voit d’un œil favorable la candidature de Charles-Henri Alloncle. Ce dernier, de son côté, ne critique pas trop fort la stratégie « fusionniste » de M. Tegnér, pour reprendre l’expression utilisée par Mme Pécresse. « Quand on est fort, on accepte de débattre de tout, affirme Charles-Henri Alloncle à propos de cette perspective d’union. En revanche, le moment n’est pas aux calculs. La question à la limite peut se poser en 2021. C’est un sujet qui pourra être débattu, comme tous les autres sujets. Mais la priorité, c’est d’être forts sur notre ligne. » Pour que cent fleurs s’épanouissent.