Football : Grégory Dupont, le « scientifique » au service de Didier Deschamps
Football : Grégory Dupont, le « scientifique » au service de Didier Deschamps
Par Rémi Dupré
Inconnu du grand public, le nouveau préparateur physique des Bleus, qui affrontent l’Allemagne mardi, est l’un des artisans de l’ombre de leur victoire en Coupe du monde.
Son patronyme de Monsieur Tout-le-Monde ne dit rien aux supporteurs de l’équipe de France. Homme de l’ombre, Grégory Dupont, 46 ans, a pourtant eu un rôle-clé auprès des Bleus lors de la conquête de leur deuxième titre mondial, en Russie. Successeur du Bordelais Eric Bédouet (2014-2017), le préparateur physique de la sélection est devenu, en janvier, l’un des principaux membres du staff de Didier Deschamps. Et il sera encore à la manœuvre, en coulisses, avant la rencontre de Ligue des nations contre l’Allemagne, mardi 16 octobre, au Stade de France.
Spécialiste reconnu de la performance, dépeint comme un « passionné » par Robert Duverne, son prédécesseur (2006-2010) chez les Tricolores, le natif de Valenciennes (Nord) le reconnaît volontiers : il n’a pas eu « à redescendre » de son nuage après le sacre moscovite, le 15 juillet. « J’étais là pour une mission : identifier les différents leviers sur lesquels on allait pouvoir agir pour permettre à l’équipe d’être la plus performante », explique M. Dupont, qui a disposé de plusieurs semaines pour affûter les Bleus avant le tournoi planétaire.
En Russie, le travail du préparateur physique a été salué. En dehors de quelques pépins physiques, aucune blessure grave n’a été à déplorer. En huitièmes de finale, les joueurs de Didier Deschamps ont donné l’impression d’atteindre leur pic de forme en renversant (4-3) l’Argentine de Lionel Messi, lors d’une joute aux allures de course de fond. Endurance, puissance, impact physique ont été les ingrédients du succès des Tricolores.
« On est vraiment sur de l’optimisation de performance »
« En sélection, on a moins d’informations sur les joueurs, on ne sait pas dans quel cycle ils se situent et on a moins de temps pour travailler, assure le spécialiste. On est vraiment sur de l’optimisation de performance. On n’est pas là pour développer des qualités physiques mais pour les optimiser. Pour préparer le Mondial, il existait plein d’éléments à prendre en compte : ce que les joueurs font avec leur club, leur niveau de fatigue, leur niveau de performance, la charge de travail, le volume d’entraînement, l’intensité, le nombre de matchs joués sur les trois derniers mois. »
« La gestion de la charge d’entraînement permet d’anticiper un certain niveau de forme. On ne peut pas tout prévoir. Mais on peut éviter certaines erreurs. En gérant le volume, l’intensité, on peut arriver à un certain résultat. On peut amener des athlètes vers un pic de forme », développe-t-il.
Adjoint de Didier Deschamps, Guy Stéphan ne tarit pas d’éloges sur son préparateur physique. « Il est compétent dans le travail individuel, athlétique, dans la nutrition, dans tout ce qu’on appelle le travail invisible, tout ce qui est travail de prévention, de musculation, de réception », confie le bras droit du sélectionneur.
Ce dernier est aussi heureux de « pouvoir utiliser à plein temps » le technicien, rattaché depuis décembre 2017 à la Direction technique nationale (DTN) de la Fédération française de football (FFF) en tant que responsable de sa cellule performance.
« C’est plus confortable d’être interne : déjà, il n’y a pas de conflit d’intérêts, on aborde le métier différemment, car on travaille pour différentes sélections, cela permet de se détacher de son club, observe Grégory Dupont, dont le prédécesseur, Eric Bédouet, partageait son temps entre les Bleus et les Girondins de Bordeaux. C’est plus cohérent, logique, clair. A la DTN, il y a des missions de formation, un laboratoire de recherche qui va être créé pour mesurer les besoins des entraîneurs. »
Grégory Dupont (premier en partant de la gauche) a eu le droit de toucher un peu la coupe du monde. / FRANCK FIFE / AFP
Un profil de chercheur et de praticien
Grégory Dupont se définit d’abord comme un « chercheur », enclin à se baser sur des « évidences scientifiques », plutôt que sur carrière d’ancien joueur en Belgique. Bardé de diplômes, il collabore avec l’université en Science des sports de Liverpool et avec l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep). Parallèlement, il s’occupe de trois doctorants, publie plusieurs études chaque année et travaille avec l’Union des associations européennes de football (UEFA) sur la prévention des blessures.
« J’ai été maître de conférences, j’ai fait de la recherche. Je ne voulais pas m’enfermer dans un laboratoire, j’ai toujours voulu associer la recherche et la pratique. Il y a une quinzaine d’années, ces deux mondes ne communiquaient pas. Mon idée était d’essayer de créer une passerelle entre ces deux mondes, détaille-t-il. On a besoin de travailler en réseau pour récupérer un maximum de données et de statistiques. Je dois ainsi me rattacher à différentes institutions comme l’UEFA, l’université de Liverpool, l’Insep pour essayer d’accéder à des bases de données plus importantes. »
Avant d’analyser les données des joueurs de l’équipe de France et d’apporter « des informations utiles » à Didier Deschamps, Grégory Dupont a œuvré comme préparateur physique (1999-2007) et directeur du département performance (2009-2017) à Lille. Sa candidature à la FFF a été notamment appuyée par Franck Le Gall, le médecin de la sélection et ex-collègue au LOSC. Entre 2007 et 2009, le spécialiste avait collaboré comme responsable du département Sciences des sports du Celtic Glasgow, en Ecosse. Un club où « la relation entre données et performances est omniprésente », selon lui.
Peu à l’aise avec les médias, Grégory Dupont aspire à poursuivre sa mission auprès des Bleus en toute discrétion. Le Nordiste s’est mis en quête d’un logement dans les Yvelines pour se rapprocher de Clairefontaine, quartier général des Bleus et de la DTN. En attendant de déménager, il se lève chaque matin à « six heures moins dix », enfourche son vélo, « qu’il pleuve, neige », afin de rallier Lille et prendre le TGV pour Paris. « Je fais 30-35 kilomètres de vélo par jour. Cela me permet d’entretenir ma condition physique », glisse-t-il dans un grand sourire.