Médecins du monde dénonce des difficultés croissantes d’accès aux soins pour les plus démunis
Médecins du monde dénonce des difficultés croissantes d’accès aux soins pour les plus démunis
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Seuls 13,3 % des patients accueillis par l’association bénéficient d’une couverture maladie en France.
De plus en plus de mineurs sont accueillis dans les centres de soins de Médecins du monde, s’inquiète l’association dans son rapport annuel publié mardi 16 octobre, qui dénonce les difficultés rencontrées par les personnes les plus démunies pour se faire soigner.
En 2017, l’association a soigné 24 338 personnes dans ses quinze centres et est allé à la rencontre de 12 000 personnes à la rue. Plus de 98 % des personnes accueillies vivent en dessous du seuil de pauvreté et 47,6 % ne disposent d’aucune ressource. Ce sont en majorité de jeunes hommes, âgés en moyenne de 32,7 ans, dont une forte majorité d’étrangers (41,3 % en situation irrégulière ou titulaires d’un titre de séjour souvent très temporaire), précise Médecins du monde dans le 18e rapport de son Observatoire de l’accès aux soins.
Les équipes de Médecins du monde déplorent la présence accrue de mineurs (14,3 %, contre 12,8 % en 2016), dont la moitié non accompagnés, en situation d’errance et de très grande précarité : 13 % de ces jeunes vivent en squat ou en campement. Leur âge moyen s’élève à 10,2 ans et un quart de ces mineurs ont moins de 5 ans.
Patients peu vaccinés
Les femmes, notamment jeunes, étrangères et enceintes, sont aussi de plus en plus nombreuses (5 292), et elles sont souvent peu suivies en gynécologie. Ainsi, 45,2 % des femmes attendant un enfant accusent un retard de suivi de leur grossesse. En outre, les conditions de logement de ces dernières sont particulièrement difficiles : seules 10,2 % disposaient d’un logement personnel, 26,6 % étaient sans domicile fixe, 8,5 % vivaient dans un squat ou un campement et 54,6 % étaient hébergées par une association ou par des connaissances, note le rapport.
Avec ses 61 programmes, comme la dispense de soins dans la rue, en squat, en bidonvilles, auprès de migrants, de mineurs non accompagnés, d’usagers de drogue ou de prostitués, menés dans une trentaine de villes, l’association est appelée à prendre en charge la souffrance de patients présentant des troubles psychologiques d’anxiété, de dépression, de stress (9 % des personnes, notamment parmi les demandeurs d’asile).
Ces populations sont peu vaccinées, puisque à peine un tiers des patients sont à jour pour la coqueluche, la rougeole, la rubéole et les oreillons, tandis qu’un sur deux est vacciné contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la tuberculose. Leur état de santé bucco-dentaire est dégradé, avec, en moyenne, 4,3 dents cariées et 5,7 dents manquantes.
Précarité administrative
Le rapport souligne la précarité administrative de ces publics et dénonce la complexité des démarches à entreprendre : ainsi, seuls 13,3 % bénéficient d’une couverture maladie en France. Les services publics ont tendance à réduire leur accueil et leur présence physique, et l’aide médicale d’Etat elle-même est régulièrement mise en cause par le législateur. En juin, lors du débat sur la loi asile et immigration, le Sénat avait voulu la restreindre à une aide médicale d’urgence et la ministre de la santé, Agnès Buzyn, est intervenue pour repousser ce projet.
Les démantèlements systématiques de campements, par exemple à Calais, à Dunkerque ou à la frontière franco-italienne, ainsi que les politiques d’évacuation et de harcèlement aggravent considérablement les conditions de vie et de santé des exilés, plaident les auteurs du rapport. Ils réclament un dispositif d’accueil digne de ce nom, assuré par des personnes en chair et en os, pas par site Internet interposé, et renforcé pour les besoins primaires des enfants et des adolescents, en grand danger.