« Blade Runner 2049 » : requiem hypnotique pour humains et robots
« Blade Runner 2049 » : requiem hypnotique pour humains et robots
Par Thomas Sotinel
Cauchemardesque et magnifique, le film de Denis Villeneuve se situe trente ans après le premier épisode de Ridley Scott.
Nous sommes aujourd’hui à la veille des temps annoncés par le Blade Runner de Ridley Scott. Réalisé en 1981, situé en 2019, Blade Runner voyait loin, mais pas toujours juste, comme toutes les grandes œuvres d’anticipation. Plutôt que de se risquer à faire le point sur les zones de flou du film de Scott, le scénario de Blade Runner 2049 fait un saut en avant de trente ans.
Denis Villeneuve s’en est emparé et a produit un film cauchemardesque et magnifique, immersion toxique et exquise dans un univers qui distille les résultats cataclysmiques des choix malheureux de l’humanité. Le cinéaste québécois a enveloppé ce paysage d’apocalypse d’une brume radioactive dans laquelle se meuvent des personnages à l’identité fluctuante – humains, machines, vivants, morts...
Blade Runner 2049 est empreint d’une tristesse fataliste qui trouve en Ryan Gosling son incarnation idéale. Son personnage a été baptisé K. Son statut de réplicant n’est jamais mis en doute. C’est parce qu’il est lui-même un androïde d’apparence humaine qu’il est le mieux qualifié pour ce poste de « blade runner », pourchassant les derniers survivants de la génération des machines que traquait déjà Rick Deckard (Harrison Ford).
Désert jonchés de ruines
K. exerce sa triste profession dans l’agglomération de Los Angeles. La première exécution extrajudiciaire que commet K. met en branle un très lourd et très lent mécanisme qui redéfinit progressivement la question que posait Philip K. Dick dans le roman qui servit d’inspiration à Ridley Scott : est-ce que les androïdes rêvent de moutons électriques ?
En tuant un réplicant, K., lui-même tout à fait conscient de sa condition de machine, a ouvert une brèche dans le mur sans faille que les humains ont érigé pour tenir leurs créatures robotiques à l’écart de l’espèce qui les a conçus. Alors que le parcours de Deckard dans Blade Runner l’amenait à prendre conscience de sa vraie nature, celui de K. relève plus de l’éveil politique.
Les îlots de population, généralement misérables, sont entourés de déserts jonchés de ruines, qui s’étendent vers l’est jusqu’à Las Vegas, figuration de l’enfer sur Terre. C’est là que K. rencontrera Deckard. Ce qui se trame entre eux laisse le même goût d’inachevé, les mêmes regrets que le reste de ce film qui est comme un requiem (à peine prématuré) pour une humanité aveuglée par son orgueil. Au tréfonds de ce long-métrage sans fin, hypnotisé, halluciné, on a perdu l’envie d’en sortir.
Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas (EU, 2017, 163 min).