« La viande, c’est ma passion depuis que j’ai 15 ans. Après le collège, BEPC en poche, j’ai fait deux mois de lycée avant de plaquer l’école. J’ai essayé divers secteurs, comme la mécanique automobile, rien ne me plaisait. Jusqu’à ce que le boucher de mon père propose de me prendre une semaine à ses côtés. Dès le moment où j’ai posé les mains sur la viande, j’ai su que c’était ma vocation. Les huit jours dans cette petite boucherie familiale, à Laval (Mayenne), se sont transformés en deux ans, après quoi j’ai fait quelques saisons à La Baule, puis à Courchevel, avant d’arriver à Paris à 19 ans. J’ai ouvert ma boutique le 1er avril 1998, jour de la Saint-Hugo, un pied de nez à quelques personnes qui, à l’époque, n’avaient pas cru en moi.

Julie Balagué pour "M Le magazine du Monde"

J’adore travailler la viande rouge, matière noble par excellence, mais s’il y a un plat qui me ramène en arrière, c’est la poule au blanc du dimanche. Toute mon enfance, nous avons entretenu la tradition du déjeuner dominical. Mes parents se sont séparés quand j’avais 3 ans, mais même lorsque j’étais adolescent et que nous nous croisions peu durant la semaine, c’était le repas où tout le monde se retrouvait autour de la table. Cela commençait tôt le matin, avec les odeurs de pot-au-feu qui montaient.

Une cuisine généreuse

Pour moi, cela signifiait une cuisine généreuse, qui prend son temps, que l’on partage. J’adorais être réveillé par ces arômes de viandes et de légumes qui mijotent dans le bouillon, qui se répandent dans toute la maison, et qui annoncent le festin. Rien que d’en parler, j’en ai l’eau à la bouche ! J’aime tous les plats mijotés, daube, blanquette, bœuf bourguignon, osso-buco, navarin d’agneau...

Hugo Desnoyer. | Julie Balagué pour "M Le magazine du Monde"

Mais je suis plus attaché encore à la poule au blanc. C’est presque régressif pour moi, cette poule-au-pot à la normande, avec une sauce bien crémeuse qui nappe la volaille, les légumes, le riz. Dans la cuisine de ma mère, tous les légumes étaient issus du potager, et c’est ma grand-mère qui, la plupart du temps, apportait une poule de son poulailler. Pour que ce plat soit bon, avec une chair fondante et ferme à la fois, il faut utiliser une poule qui a bien couru et bien vécu – pas un poulet paresseux et grassouillet. Or ce n’est pas évident, pour qui habite à la ville aujourd’hui, de trouver une bonne vieille poule.

La poule au blanc, c’est un vrai plat de campagne. Dans mon restaurant, il y a beaucoup de viandes crues ou grillées minute, mais il y a aussi, toujours, au menu du jour, un plat en sauce. D’abord, parce que cela permet d’utiliser les bas morceaux, mais aussi parce que cela m’est cher. Car la sauce, pour moi, c’est tout un symbole, c’est la cuisine de ma mère, de mon père, de ma grand-mère. C’est le liant entre les ingrédients, et le lien entre les gens. »

La Table d’Hugo Desnoyer, 33, rue Secrétan, Paris 19e. www.hugodesnoyer.com

La recette

Ingrédients : (pour 6 personnes)

1 belle poule de 2 à 3 kg, 1 petit os à moelle, 2 oignons, 4 carottes, 3 blancs de poireaux, 1 branche de céleri, 6 clous de girofle, 1 bouquet garni, 40 g de beurre, 40 g de farine, 200 ml de crème fraîche, sel marin et gros sel, poivre du moulin, noix de muscade.

Assaisonner généreusement la poule avec du sel et du poivre. La placer dans un grand faitout avec l’os à moelle, recouvrir d’eau froide et porter à ébullition. Nettoyer et peler les légumes, piquer les oignons avec les clous de girofle, couper le reste en gros morceaux. Retirer toute l’écume du bouillon, puis ajouter les légumes, le bouquet garni et une bonne cuillerée de gros sel. Laisser reprendre l’ébullition, baisser le feu et laisser mijoter, à demi-couvert, pendant 2 à 3 heures. Lorsque la chair de la volaille se détache des os, éteindre le feu, et laisser reposer encore 15 à 20 minutes dans le bouillon.

Pour préparer un roux, faire fondre le beurre dans une casserole, ajouter la farine et mélanger pendant quelques minutes sur feu doux, avec une cuillère en bois. Délayer progressivement avec 40 cl de bouillon, sans cesser de remuer. Laisser épaissir sur feu doux, puis incorporer la crème. Assaisonner de sel, poivre et muscade.

Egoutter la poule et la découper en morceaux. Disposer dans un plat creux, avec les légumes égouttés (filtrer le reste du bouillon et réserver pour un autre usage). Napper d’un peu de sauce blanche, verser le reste dans une saucière, et servir avec du riz ou des pommes de terre.