La funeste colère de Jean-Luc Mélenchon
La funeste colère de Jean-Luc Mélenchon
Editorial. Lors des perquisitions de son domicile et du siège de LFI, Jean-Luc Mélenchon a perdu ses nerfs et la maîtrise indispensable aux hautes fonctions auxquelles il aspire.
Mélenchon filme la perquisition de son domicile
Durée : 02:33
Editorial du « Monde ». Depuis deux jours, les images ont défilé en boucle, occupé les médias et électrisé l’Assemblée nationale. On y voit Jean-Luc Mélenchon, député et leader de La France insoumise, mardi 16 octobre dans la matinée, vitupérant, hors de lui, devant la porte fermée du siège de son mouvement, où des policiers menaient une perquisition.
Ceint de son écharpe tricolore, l’ancien candidat à l’élection présidentielle dénonce une « honte », un « coup de force » et une opération de « police politique » destinée à « faire peur » à l’opposition. Doigt vengeur, il hurle au policier impassible qui lui interdit l’entrée : « Je suis un parlementaire. La République, c’est moi ! Ma personne est sacrée… » Puis, épaulé par plusieurs députés de son groupe, il force l’entrée, bouscule le vice-procureur de Paris présent sur les lieux et provoque, de fait, l’interruption de la perquisition.
Si l’esclandre avait pour objectif de noyer sous les cris et la fureur les causes de cette perquisition – et des procédures similaires menées auparavant à son domicile et chez plusieurs collaborateurs de son mouvement –, c’est raté. Car chacun sait maintenant que la police judiciaire est intervenue dans le cadre de deux enquêtes préliminaires ouvertes au parquet de Paris.
Soupçons d’abus
La première est relative à l’emploi présumé fictif d’assistants parlementaires européens par le parti mélenchoniste ; des enquêtes identiques ont été engagées, pour les mêmes raisons, à l’encontre du Rassemblement national (ex-FN) de Marine Le Pen et du MoDem de François Bayrou. La seconde porte sur d’éventuelles irrégularités dans le financement de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2017, signalées à la justice par la Commission nationale des comptes de campagne.
Dans les deux cas, il s’agit donc de soupçons d’abus, voire de détournement d’argent public. Puisqu’il s’honore d’être l’élu du peuple, le député de Marseille ne peut oublier qu’il est également financé par le peuple, dont les impôts contribuent aussi bien au budget du Parlement européen qu’au remboursement des frais de campagne. En l’occurrence, 6 millions d’euros ont été restitués par l’Etat au candidat Mélenchon de 2017.
Qu’il ait été délibéré ou spontané, le coup de sang du leader des « insoumis » est calamiteux, pour lui-même comme pour son mouvement. Voilà un député, qui plus est président de groupe, qui conteste violemment, entrave et veut discréditer une procédure judiciaire, certes spectaculaire et déplaisante pour les intéressés, mais, quoi qu’il en dise, parfaitement conforme aux règles de la procédure.
Applaudi par les députés lepénistes
Voilà un parlementaire qui appelle volontiers les élites politiques du pays à l’exemplarité et qui bouscule, vilipende et jette l’opprobre sur l’autorité de la police et de la justice, s’attirant au passage la condamnation générale de leurs syndicats… et de nouvelles poursuites du parquet.
Voilà un responsable qui ne se privait pas, en mars 2017, de faire la leçon à Marine Le Pen lorsqu’elle s’offusquait de l’enquête ouverte contre le Front national (dans l’affaire des assistants parlementaires européens) et qui adopte aujourd’hui le même comportement, joue les victimes, dénonce une « police politique » et obtient, en retour, les applaudissements des députés lepénistes.
Voilà enfin un homme qui ambitionne de rassembler « le peuple », à commencer par celui de gauche, et qui perd ses nerfs, « disjoncte » en public, bref, démontre qu’il n’a pas la maîtrise indispensable aux hautes fonctions auxquelles il aspire.