Mulhouse teste la mobilité du futur
Mulhouse teste la mobilité du futur
Par Laetitia Van Eeckhout
L’agglomération alsacienne vient de lancer le Compte mobilité, une première en Europe. Il permet d’avoir accès à l’ensemble des services de mobilité urbaine à partir de son smartphone.
A Mulhouse, le Compte mobilité permet désormais, par le biais d’un compte unique et depuis son smartphone, d’avoir accès à l’ensemble des services de mobilité urbaine. / Sébastien Bozon
MAAS : ce nouvel acronyme (pour « Mobility as a Service ») est sur toutes les lèvres dans le monde des transports. Il décrit un concept de mobilité urbaine qui, selon ses promoteurs, pourrait révolutionner la façon de se déplacer en ville. Mulhouse Alsace Agglomération (M2A) le teste depuis le 20 septembre avec son Compte mobilité — « une première en Europe », revendique la collectivité. Il s’agit d’une application pour smartphone qui permet d’accéder à toute l’offre de transport de l’agglomération : bus, tram, vélos en libre-service (Vélocité), voitures en libre-service (Citiz) et même parkings. L’usager ne paie qu’en fin de mois les services effectivement empruntés, avec une seule facture et au tarif le plus avantageux.
« Le Compte mobilité, c’est le couteau suisse qui permet à chacun d’avoir à sa disposition toutes les offres de mobilité existantes, à partir d’un seul abonnement », résume Denis Rambaud, vice-président de M2A, délégué aux mobilités urbaines. Son ambition est de promouvoir les modes de déplacements autres que la voiture personnelle. « Il ne s’agit pas d’opposer les méchants automobilistes aux vertueux amateurs du vélo, prévient-il. Mais de les inviter à ne pas rester captifs de leur mode traditionnel de transport en leur facilitant l’accès aux autres modes de déplacement. » Autrement dit, « lever toutes les barrières pour leur offrir la même souplesse que leur apporte la voiture », précise Guillaume Aribaud, directeur général de Solea, filiale de Transdev, qui gère le réseau de bus et de trams.
Fonctions suggérées par les usagers
Ainsi, pour emprunter un vélo, « on a juste à payer un euro par mois et l’on peut utiliser le vélo autant que de besoin pourvu que l’on ne dépasse pas la demi-heure sur un trajet », se félicite Alexis Midez, un infirmier de 22 ans qui fait partie des premiers adeptes du Compte mobilité. « Ne rien avancer et ne payer qu’à la fin du mois, ce n’est pas négligeable quand on ne gagne pas des mille et des cents. La simplicité et le non-engagement financier sont de vrais atouts. Je ne me serais jamais inscrit à Citiz, le service de voiture en libre-service, si j’avais eu à verser un dépôt de garantie au préalable. »
Sur son Compte mobilité, il est aussi possible de suivre ses consommations de déplacements en temps réel, voire de planifier un budget spécifique et recevoir des alertes lorsqu’elles dépassent le plafond prévu. Ces fonctions ont été suggérées par les usagers eux-mêmes, qui, dès 2016, ont été associés à la réflexion à travers des tables rondes organisées dans toute l’agglomération. Une fois mis au point, avant d’être lancé auprès du grand public, le Compte mobilité a même été testé par une cinquantaine de personnes pendant six mois.
Une fois l’application Compte mobilité téléchargée sur son smartphone, on peut, en un clic, valider son trajet lorsque l’on monte dans un tram ou un bus, réserver et ouvrir une voiture en autopartage, emprunter un vélo en libre-service, et même payer une place de parking. / Sébastien Bozon
Pourtant, même s’il était difficile d’échapper à la campagne de communication sur le Compte mobilité qui, en ce mois d’octobre, s’affichait partout dans la ville, tous les Mulhousiens sont encore loin de le connaître. Comme cette femme d’une cinquantaine d’années qui attend son tram et ouvre des yeux ronds lorsqu’on l’interroge sur le sujet. En quatre semaines, ils sont tout de même près d’un millier à avoir téléchargé l’application et 313 à l’avoir d’ores et déjà activée et utilisée.
Toutes les données générées sont agrégées
Ce système a d’autres vertus. Il permet d’agréger toutes les données générées par les moyens de transport. « Une base de données en or qui va nous apporter une connaissance fine des pratiques de déplacement et nous permettre d’améliorer le plan mobilité », se félicite Denis Rambaud, qui précise aussitôt : « Garante de leur confidentialité, la collectivité reste propriétaire de ces données. »
Le développement de l’application a représenté un investissement global de 670 000 euros. 240 000 ont été pris en charge par la société d’ingénierie information, filiale de Transdev, Cityway. M2A, qui a investi la différence, a reçu une subvention de 70 000 euros de l’Etat et 100 000 euros de la Caisse des dépôts.
La collectivité a fait le choix délibéré de se lancer dans ce projet en fédérant l’ensemble des acteurs locaux offrant des services de mobilité, qu’ils soient privés ou gérés en régie. « Si à Helsinki les opérateurs de services intégrés dans l’application Whim sont prestataires de la start-up Maas Global, le Compte mobilité, lui, repose sur un partenariat équilibré entre tous les acteurs : nul ne devient le sous-traitant de l’autre. Et chaque acteur reste responsable de sa prestation de service et maître de sa politique tarifaire ; la collectivité ne joue qu’un rôle d’agrégateur de mobilité », souligne Christophe Wolf, directeur du pôle mobilités et transports de l’agglomération.
Complémentarité entre les différents modes de transport
« C’est vraiment une révolution dans notre métier, relève Guillaume Aribaud, de Solea. Jusque-là chacun restait sur son périmètre. Ici, nous nous inscrivons dans une logique de complémentarité entre les différents modes de déplacement. » « On ne peut opposer les modes de déplacement, car les usagers, si ce n’est les automobilistes, n’utilisent rarement qu’un seul mode, appuie Nicolas Philippoteau, directeur général Grand Est de JC Decaux. Ce système qui permet de passer d’un mode à un autre aisément ne peut que nous faire gagner, à tous, de nouveaux usagers. » Depuis le lancement du Compte mobilité, Vélocité (2 000 abonnés en septembre) a déjà gagné 147 nouveaux utilisateurs, et le réseau Citiz, 60.
D’autres offres sont appelées à enrichir le Compte mobilité : les taxis, les bornes de recharge électrique en cours d’installation dans la ville… M2A ambitionne même d’y agréger les TER. Et un nouvel onglet information-guidage devrait faire son apparition sur l’application pour que les usagers puissent localiser les stations, vérifier les horaires et les disponibilités, comparer les différentes combinaisons pour un trajet.
Le Monde organise le mercredi 21 novembre une conférence, « Mobilité : l’explosion des possibles », à laquelle participeront Denis Rambaud, vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération, et Jean Coldefy, directeur du programme Mobilité 3.0 à l’association ATEC ITS France. Inscription ici (entrée libre)