Loin des paysages arides du premier opus, « Red Dead Redemption 2 » commence dans la neige. / ROCKSTAR

La presse spécialisée est unanime : Red Dead Redemption 2, sorti vendredi 26 octobre sur PlayStation 4 et Xbox One, est l’un des meilleurs jeux vidéo de l’année, de la décennie, voire de l’histoire. Pour s’en assurer, l’équipe de Pixels, qui a elle dû attendre la sortie officielle du jeu pour pouvoir s’y essayer, entame un marathon de trois jours de jeu intensif.

Les cinq premières heures de ce marathon, diffusées en direct, sont à retrouver sur le site du Monde.

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Rendus au milieu du deuxième chapitre, après un très long chapitre introductif, directif et neigeux – durant lequel nous avons sauvé la vie au héros du premier Red Dead Redemption, sommes morts lamentablement trois fois contre des loups, et avons percuté de plein fouet un arbre pour une raison encore inexpliquée –, l’heure est aux premières impressions.

Lourd et pataud

Le premier contact avec Red Dead Redemption 2 n’a pas exactement été un coup de cœur pour l’équipe de Pixels. Pour dire les choses poliment : on s’est ennuyé ferme.

Physique lourde et pataude, prise en main complexe : Red Dead n’est pas exactement un jeu amical. Le héros Arthur Morgan trimballe sa grande carcasse fatiguée comme si chaque pas lui en coûtait.

Et cela n’aide pas que les premières heures soient consacrées à expliquer patiemment les cinquante nuances de jeu qui nous attendent. On apprend ainsi que pour traquer un animal, il faut appuyer sur les deux joysticks, puis viser la piste qui apparaît à l’écran et appuyer sur une gâchette pour la suivre. Et on en est encore à se dépatouiller de ces combinaisons improbables que le jeu enchaîne déjà, en tentant de nous expliquer comment deux boutons correctement combinés permettent de siffler pour attirer l’attention de la bestiole chassée : combinaison qu’on s’empressera d’oublier, puisqu’elle ne servira plus jamais, ou en tout cas pas durant ces cinq premières heures.

Reste l’impression d’un jeu inutilement complexe, sorte d’anti-Legend of Zelda: Breath of the Wild, qui lui était capable de faire beaucoup avec très peu.

Arthur Morgan succède à John Marston, le héros du premier « Red Dead ». Il fait néanmoins très tôt dans le jeu une apparition remarquée. / RED DEAD REDEMPTION 2

C’est notre principal bémol : Red Dead Redemption 2 est un jeu qui essaye d’en faire trop. Pendant ces premières heures, il ne peut pas s’empêcher de parler tout le temps, d’étirer à l’infini chaque voyage, au détriment de l’action et du libre-arbitre du joueur.

On a l’impression qu’il lui faut absolument dépasser sa condition de simple jeu vidéo, pour tenter de tutoyer le cinéma, comme si c’était un idéal à atteindre. Un parti pris qui en dit long sur le fantasme des frères Houser, à la tête du studio Rockstar : des créateurs qui ont toujours semblé faire du jeu vidéo faute d’avoir réussi à faire du cinéma.

Narration brillante

On pourra pourtant apprécier ce côté verbeux, voire, pour tout dire, assez mou. Y trouver une résonance avec le western de l’école Sergio Leone et sa contemplation. Il y a eu finalement assez peu de séquences d’action dans nos cinq heures, mais beaucoup de longues randonnées à cheval, en charrette, en carriole.

Red Dead Redemption 2 tient à faire savoir qu’il a des choses à raconter, même s’il ne s’agit que du petit destin minable de cowboys crottés. Il réussit ce faisant des choses insensées, brouillant toujours plus la frontière entre les séquences de jeu traditionnelles et les séquences « cinématiques » faisant avancer l’histoire.

Contrairement à la plupart des jeux, on ne perd jamais vraiment le contrôle du personnage. Même pendant un dialogue, on peut continuer de se déplacer, de cavaler. Les autres personnages s’adaptent, pressent le pas, cherchent notre regard. Les dialogues ou les interactions se déclenchent d’un regard, les choix moraux se résolvent par l’action et pas parce qu’on a choisi une option de dialogue dans une liste. D’ailleurs, le jeu est très avare en marqueurs, et nul bouton n’apparaît en surimpression : tous ces éléments si artificiels, si « jeu vidéo », sont localisés, en bas à gauche, sur le radar qu’on peut d’ailleurs transformer en moins anachronique (et moins précise) boussole.

« Red Dead Redemption 2 », fluide dans sa narration, donne pourtant une impression de lourdeur dans sa prise en main. / RED DEAD REDEMPTION 2 / BAGO

De la prestidigitation

A l’inverse, même quand on n’interagit pas avec eux, les personnages continuent de mener leur vie. Charpentier, livreur ou chef de notre petit campement, ils travaillent, mènent leurs petites activités, avec une crédibilité qui n’a pas grand-chose à voir avec ce que propose habituellement le jeu vidéo.

On n’entame pas une quête parce qu’on appuie sur un bouton en se tenant devant un personnage immobile : les quêtes arrivent, tout simplement. Cette carriole croisée apparemment par hasard et qui sort de route ? Ce personnage éméché qui rentre en titubant dans le saloon ? On ne le sait pas encore, mais ce sont autant de quêtes qui ont déjà commencé.

L’exemple du saloon est particulièrement frappant : bientôt, une bagarre éclate, qui commence dans la salle principale, se poursuit dans les escaliers, s’achève dehors dans la boue, mise en scène dans ses moindres détails, sans qu’on ait l’impression d’avoir perdu le contrôle une seule fois. Ce n’est plus de la réalisation : c’est de la prestidigitation.

Autant dire que le naturel et la fluidité de cette narration rendent d’autant plus pénibles la lourdeur et la complexité de la prise en main, qui, elles, ressemblent à ce que le jeu vidéo fait de plus artificiel.

A suivre…

Qu’attendre après ces cinq premières heures d’un jeu qui, paraît-il, en compte cent ?

Déjà, il s’agira de savoir comment va évoluer cette contradiction entre le naturel quasi révolutionnaire de la narration, et la lourdeur pénible des systèmes de jeu proprement dits.

Il faudra voir comment le joueur va se faire une place dans cet univers qui, pour le meilleur et pour le pire, donne tant l’impression de vivre sans lui. Verra-t-on des quêtes plus intéressantes que de simplement aller d’un point A à un point B, en écoutant parler ses intarissables compagnons ?

Il faudra voir comment le joueur peut s’approprier le monde mais aussi, de manière plus générale, comment il peut s’y déplacer. Red Dead Redemption 2, western interactif faisant la part belle aux paysages majestueux et aux grands espaces, est la promesse du « monde ouvert ultime », le meilleur jeu bac à sable de l’histoire. Paradoxalement, ces premières heures paraissaient pourtant très guidées, prévisibles, comme posées sur des rails.

Autant d’aspects de ce jeu colossal que notre deuxième séquence de jeu en direct, samedi 27 octobre en fin de matinée, nous permettra peut-être de tirer au clair.