« Starving Anonymous », le manga qui vous mène à l’abattoir
« Starving Anonymous », le manga qui vous mène à l’abattoir
Par Bernard Monasterolo
Depeçage, cannibalisme et abattage d’humains d’élevage constituent le fond de « Starving Anonymous », un manga « survival » excessif, qui mérite bien son interdiction aux moins de 16 ans.
« Starving Anonymous » / © Yuu Kuraishi / Kazu Inabe
C’est une coïncidence qui a voulu que la canicule intense qui sévit sur le Japon au début de Starving Anonymous ait eu un écho dans la réalité cet été, avec des records historiques de chaleur sur l’archipel. Heureusement, la coïncidence s’arrête là, car ce nouveau manga des éditions Pika dépeint un univers horrifique qui ne manque pas d’une certaine imagination morbide.
« Starving Anonymous » / © Yuu Kuraishi / Kazu Inabe
La J-Horror nous y a habitués dans le cinéma, ainsi que nombre d’auteurs très inspirés dans le manga : le périmètre créatif de l’horreur dans la culture japonaise est très vif et ne manque jamais d’étonner. Sans être à la hauteur des mangakas qui ont fait le succès du genre, comme Junji Ito, Shintaro Kago ou Suehiro Maruo, les trois auteurs qui sont à l’origine de Starving Anonymous s’en sortent très bien. Deux scénaristes, Yuu Kuraishi et Kengo Mizutani, pas moins, pour raconter les aventures de Iye et Kazu. A la planche à dessin, c’est Kazu Inabe, qui avait déjà commis Fortress of Apocalypse, qui nous plongeait dans une école infestée de zombies, une sorte de Dead Rising en manga. Pour rester sur le dessin d’Inabe, Starving Anonymous est une vraie réussite. La représentation des corps est particulièrement réaliste, et simultanément outrancière, pas loin de rappeler parfois le trait de Boishi, maître du genre morphologique.
« Starving Anonymous » / © Yuu Kuraishi / Kazu Inabe
Shokuryou Jinrui, le titre japonais de Starving Anonymous, signifie « nourriture humaine », un titre littéral puisque le récit transporte les deux héros, sans trop d’explication, dans un hangar géant où des humains décérébrés, alimentés à l’aide de tuyaux, servent de nourriture à des créatures aliens monstrueuses. Si le parallèle avec la chaîne alimentaire et sa gestion par l’homme est un peu naïf, le résultat est assez convainquant scénaristiquement et une source d’inspiration macabre inépuisable.
Mais c’est sans doute sur la définition des personnages que le manga trouve son plus grand réservoir de possibilités scénaristiques. Le personnel de cette usine humaine tout d’abord, salariés immoraux qui vivent un quotidien routinier de découpe charcutière, sans cruauté mais avec une effroyable efficacité. Ensuite, les héros eux-mêmes, qui, comme souvent dans le genre « survival », ne vont pas toujours dans le même sens et ont des caractéristiques prédéfinies. Le personnage principal jouera le rôle du « bon gars », un peu faiblard, mais la tête sur les épaules. Il se voit adjoindre quelques acolytes au « chara design » plus original et subversif, comme Yamabiki et Natsume dès le premier volume, qui pimentent sérieusement le récit.
Ce volume 1 est une mise en place qui ne dit pas encore grand-chose de la mystérieuse organisation qui gère cette usine d’un nouveau genre… C’est un huis clos assez intense et assez peu disert sur l’univers dans son ensemble. L’éditeur Kodansha vient d’annoncer son septième et dernier volume au Japon pour le 20 février 2019.
« Starving Anonymous » / © Yuu Kuraishi / Kazu Inabe
Starving Anonymous, de SYuu Kuraishi, dessins de Kazu Inabe sur une idée originale de Kengo Mizutani, en librairie le 3 octobre, éditions Pika, 210 pages, 7,50 euros.