Kylian Mbappé  et Neymar à l’entraî­nement, lundi 5 novembre 2018 à Saint-Germain-en-Laye. / FRANCK FIFE / AFP

Sur le terrain, aussi, le Paris-Saint-Germain doit se défendre. Fragilisé par les dernières révélations des « Football Leaks » dans Mediapart au sujet du fair-play financier, le club devait déjà jouer sa survie en Ligue des champions, mardi 6 novembre à Naples, lors de la 4e journée. Le tyran domestique de la Ligue 1 vit un début de campagne européenne poussif avec une défaite à Liverpool (3-2, le 18 septembre) et un nul heureux contre Naples au Parc des Princes (2-2, le 24 octobre). Ces matchs ont mis en évidence certains défauts. A commencer par des lacunes dans le travail défensif : la non-implication de Kylian Mbappé et Neymar a tout particulièrement été pointée du doigt.

Quand, à l’été 2017, les dirigeants parisiens font sauter la banque – et le fair-play financier avec – pour s’attacher les services des deux attaquants, ils savent que les deux recrues n’ont pas une folle passion pour les travaux de l’ombre. En championnat de France, le duo n’a pas besoin de pousser le zèle très loin. Mais la double confrontation face à Liverpool et Naples est venue rappeler que défendre à neuf n’est pas l’idée du siècle en Ligue des champions.

« Contre Liverpool, Neymar et Mbappé sont restés à attendre le ballon devant, à jouer la carotte. Quand Mbappé perd le ballon devant sa surface sur le troisième but sans se replacer, vous avez de quoi vous énerver si vous êtes son coéquipier », avance Eric Rabésandratana, ancien défenseur du PSG entre 1997 et 2001. Le consultant pour France Bleu Paris n’est pas le seul à pointer cette faiblesse. Légende du Liverpool des années 1980-1990, John Barnes a taillé un costume sur mesure aux duettistes parisiens pour le site Talksport : « J’ai été déçu par Neymar et Mbappé. J’ai trouvé qu’ils étaient fainéants, qu’ils n’aidaient pas du tout leur équipe. »

Simple perfidie anglaise ? Pas seulement. Même les coéquipiers des deux artistes commencent à envoyer des messages plus si subliminaux. A l’image d’un Marco Verratti, le souffle encore court après le match aller contre Naples à trop avoir tenté de colmater les brèches laissées par ses camarades. « Quand on parle de défendre, cela concerne les onze joueurs qu’il y a sur le terrain », pointait l’Italien.

Un travail de replacement

A force, la question mérite d’être posée : Neymar et Mbappé seraient-ils exemptés des basses besognes ? Quand il entraînait encore le PSG, Unai Emery l’avait laissé entendre au sujet du Brésilien. Après tout, ceux dont le talent permet de gagner des rencontres disposent souvent d’un statut particulier dans une équipe. A Barcelone, Lionel Messi a toujours couru et défendu avec parcimonie. Lors d’une rencontre de Ligue des champions en 2014, l’Argentin avait ainsi parcouru 6,8 km en quatre-vingt-treize minutes. Seul José Manuel Pinto faisait moins bien avec 5,3 km, mais avec la bonne excuse de son poste de gardien.

Ancien lieutenant de Messi, Neymar rechignait (un peu) moins à la tâche en Espagne. A Paris, son statut protégé l’inciterait plutôt à modérer ses efforts. Le cas Mbappé est différent. Avec cette franchise désarmante proche de l’effronterie, le Français avouait dans un entretien à L’Equipe le 15 juin « partir de loin » au niveau défensif. « Dans les équipes de jeunes, on a toujours fait les tâches défensives pour moi. J’étais la “star numéro 1” . On disait aux autres joueurs : “Tu reviens pour Kylian”, “tu la donnes à Kylian”. Mais quand tu arrives au PSG, il y a une star, déjà. Et, maintenant, c’est à moi de me fondre dans le collectif pour le servir. »

Depuis, le prodige de Bondy est devenu champion du monde et un prétendant au Ballon d’or. De là à penser qu’il s’inspire de la pâle copie défensive de son voisin brésilien… « Vous pouvez dispenser deux joueurs du travail défensif, mais il faut que les autres l’acceptent et se battent comme des chiens pour compenser dans ce cas. Ce qui me paraît compliqué avec des garçons comme Rabiot et Di Maria, qui ne sont pas non plus des gros travailleurs », estime Rabésandratana, pour qui il s’agit d’abord de savoir ce qu’on demande aux deux attaquants.

« Pas ce goût naturel pour défendre »

« A la différence d’un Cavani, Mbappé et Neymar n’ont pas ce goût naturel pour défendre, poursuit l’ancien joueur. C’est compliqué de changer profondément de nature, mais sur un match c’est possible. Ce qu’on leur demande, c’est d’abord le travail de replacement. A la perte du ballon, ils doivent se retrouver face au ballon, et l’adversaire, être dans leur zone. »

Comme cela a été le cas contre Lille, vendredi en championnat (victoire 2-1). Si Kylian Mbappé et Neymar ont peu défendu tant le PSG a confisqué le ballon, ils ont participé à l’effort collectif et à ce pressing haut pour étouffer l’adversaire dès la perte du ballon. « On a fermé les espaces. On a contrôlé complètement les contre-attaques », a apprécié leur entraîneur, Thomas Tuchel.

Le « on » de l’Allemand impliquait ses deux créateurs appelés à enfiler le bleu de chauffe dans le vétuste mais bouillant stade San Paolo. En cas de défaite, le dossier parisien risque de devenir indéfendable pour espérer entrevoir les huitièmes de finale.