Pesticides : quelles alternatives au méthamsodium ?
Pesticides : quelles alternatives au méthamsodium ?
Par Jeanne Cavelier
A risque pour la santé humaine, selon l’Anses, cette substance utilisée en maraîchage et en horticulture peut être remplacée par des techniques non toxiques.
Epandage de pesticides à Bailleul (Nord), le 15 juin 2015. / PHILIPPE HUGUEN / AFP
A la fois pesticide, herbicide, fongicide, le méthamsodium a été interdit par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), lundi 5 novembre. Cette substance est soupçonnée d’être cancérigène et de perturber le développement chez l’humain, tout comme le glyphosate. Irritations des yeux, de la peau et des voies respiratoires… Plus de quatre-vingts riverains et professionnels ont été intoxiqués dans le Maine-et-Loire et dans le Finistère, notamment près de cultures de mâche.
Quelque 700 tonnes de produits à base de méthamsodium étaient utilisées chaque année en France, explique l’Anses. Or, il existe des alternatives non toxiques pour nettoyer les sols avant la culture.
- La solarisation
La solarisation consiste à désinfecter les sols en posant des bâches ou des films spéciaux transparents. Ceux-ci captent le rayonnement solaire et la chaleur, permettant à la température de s’élever à plus de 50°C. Cette technique permet de détruire certains champignons ainsi que la plupart des mauvaises herbes.
Dans une fiche sur les techniques alternatives, l’Association provençale de recherche et d’expérimentation légumière (Aprel) conseille de l’utiliser entre le 25 juin et le 15 juillet, période la plus favorable, sur une durée de 45 jours minimum sous abri et 60 jours en plein champ. Le coût semble modéré : il s’élevait à 1 800 euros par hectare, bâches et main-d’œuvre comprises, selon une estimation de l’association datant de 2011.
Mais il faut être certain de bénéficier de trois jours consécutifs de temps ensoleillé avant de poser les films. Cette technique est donc limitée aux régions méridionales. Or, la plupart des producteurs de mâche, principalement concernés par l’interdiction du méthamsodium, se trouvent en Loire-Atlantique et en Maine-et-Loire. En outre, cette technique n’est pas sélective et détruit une grande partie de la biodiversité sur plusieurs dizaines de centimètres dans le sol.
- La désinfection à la vapeur
Chauffer le sol avec de la vapeur d’eau est une autre technique de désinfection. Un générateur chauffe l’eau à 170-180°C, détaille une fiche du portail EcophytoPIC, qui vise à promouvoir un modèle agricole plus respectueux de l’environnement. Des tuyaux transportent la vapeur vers la parcelle à traiter. Elle est introduite sous des bâches, de quelques dizaines de minutes à plusieurs heures, selon la température et la profondeur désirées. La température du sol peut alors s’élever jusqu’à 100°C.
Cette technique, qui peut être réalisée toute l’année, « permet de détruire plus précisèment certains organismes, car il est possible d’augmenter la température par paliers », affirme Thibault Leroux, chargé de mission agriculture au sein de la fédération France nature environnement (FNE). Le champignon botrytis dès 50°C, les nématodes – des vers du sol – à 50-60°C, les mauvaises herbes dès 70-80°C…
« Mais comme la solarisation, elle n’est pas sélective dans ce qu’elle détruit, ajoute le spécialiste. Ce n’est donc pas positif pour la biodiversité. » En outre très gourmande en temps et en carburant, la technique requiert « entre 2 500 et 3 000 litres de fioul à l’hectare », expliquait au Monde en octobre Dominique Visonneau, président de la coopérative Océane, qui rassemble une quarantaine de producteurs. Une solution peu attractive, donc, au vu de l’augmentation du prix de ce combustible.
- La rotation des cultures et les engrais verts
La rotation des cultures permet de limiter la propagation des maladies et la prolifération des nuisibles. Le principe : planter des espèces différentes sur une même parcelle d’une année sur l’autre. L’idée est de cultiver des engrais verts entre différentes cultures légumières. « Le sarrasin ou le seigle, par exemple, étouffent les mauvaises herbes », explique Thibault Leroux, de FNE. C’est la solution prônée par la fédération d’associations environnementales.
Cependant, le maraîcher ou l’horticulteur doit disposer d’une surface suffisamment importante. « C’est viable économiquement, assure M. Leroux, citant l’exemple d’un agriculteur bio dans le Maine-et-Loire, qui effectue une rotation de sept ans sur neuf hectares. En diversifiant les cultures, il amortit ses pertes en cas de problème sur l’une d’elles. » Le maraîcher utilise également des paillages en plastique biodégradable, qui, en recouvrant le sol, empêchent la pousse des adventices.