« Un homme pressé » : un numéro de Fabrice Luchini qui tourne à vide
« Un homme pressé » : un numéro de Fabrice Luchini qui tourne à vide
Par Véronique Cauhapé
Inspiré de l’histoire de l’ex-PDG Christian Streiff, le film d’Hervé Mimran raconte avec lourdeur le combat d’un grand patron après un accident vasculaire cérébral.
Voilà plus de trente ans que Fabrice Luchini remplit les salles de théâtre avec ses lectures de grands textes littéraires dont il parvient, au terme d’un long travail, à mettre à nu les mots et les faire entendre comme jamais. Aujourd’hui sur grand écran, dans Un homme pressé, il s’offre cette fois le malin plaisir de les tordre et de les mettre sens dessus dessous, inversant les syllabes et prenant un terme pour un autre. Il y a fort à parier que, pour cet exercice de déconstruction, il attirera encore en grand nombre le public dans les salles de cinéma.
Inspirée de l’histoire de Christian Streiff, ex-PDG d’Airbus et de PSA Peugeot Citroën, et de son livre J’étais un homme pressé (Le Cherche Midi), le nouveau film d’Hervé Mimran raconte donc le parcours d’un grand patron du secteur automobile, Alain (Fabrice Luchini), après un accident vasculaire cérébral qui a entraîné de graves troubles de la parole et de la mémoire.
Surmené, autoritaire, grand orateur, respecté autant que craint, cet homme-là doit réapprendre à s’exprimer correctement. Ce à quoi s’attelle une jeune orthophoniste (Leïla Bekhti) dont la ténacité va se heurter au déni et à l’absence de modestie dont se pare (avec de moins en moins de conviction) son patient. Rien de grave cependant, puisqu’il s’agit de nous mener vers une comédie. Laquelle a pour unique ressort le jeu des mots et du langage désarticulé. A ce numéro, Fabrice Luchini se prête avec une fluidité et une gourmandise qui forcent le respect mais qui échouent à tenir tout le film.
Une course en chaise roulante
Car il est évident que cet accident va changer notre méchant patron égocentriste en homme plus respectueux des autres, ce père qui n’a jamais prêté attention à sa fille en papa plus investi, cet homme pressé en individu réduit à l’oisiveté. Le propos, outre les invraisemblances qu’il accumule au fil de son déroulé, pèse d’un poids que rien ne vient alléger.
Ni le comique de situation auquel s’essaie le film – une course en chaise roulante dans le couloir de l’hôpital, comme un piètre clin d’œil aux Intouchables, d’Eric Toledano et Olivier Nakache –, ni les petites intrigues autour des personnages secondaires (l’orthophoniste en quête de sa mère biologique). Et encore moins l’échappée finale sur le chemin de Compostelle aux allures de clip touristique.
Pour couronner le tout, Hervé Mimran, dont c’est le troisième film mais le premier en solo – les deux précédents, Tout ce qui brille et Nous York, étaient coréalisés avec Géraldine Nakache – signe une mise en scène aussi atone que le sont les neurones dans la tête de son personnage principal. Si bien qu’au terminus de cette aventure, et avant un générique de fin qui continue la blague des mots revisités, on se dit qu’elle fut bien longue la route vers cette rédemption à l’issue de laquelle un sale type aura appris à dire « merci » à ceux qu’il ignorait auparavant.
Un homme pressé / Bande-annonce
Durée : 01:33
Film français d’Hervé Mimran. Avec Fabrice Luchini, Leïla Bekhti, Rebecca Marder, Igor Gotesman (1 h 40). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Un-homme-presse.html