Parmi les milliers d’archives filmées de la première guerre mondiale, les scènes filmées sur les champs de batailles sont extrêmement rares. Ce sont souvent des reconstitutions, réalisées en marge des combats. Ainsi, dans le documentaire « La Bataille de la Somme », tourné en 1916 par Geoffrey H. Malins et John B. McDowell, ce sont bien de vrais soldats qui apparaissent mais ils font semblant de mourir.

Si les combats sont invisibles, c’est d’abord à cause de la censure, explique l’historien du cinéma Laurent Véray, auteur d’« Avènement d’une culture visuelle de guerre » (Nouvelles éditions Jean-Michel Place, 2018). Dans un premier temps, l’armée française est réticente à filmer le front, « car l’armée craint de donner ainsi des informations à l’ennemi ».

Une fois que l’Etat-major facilite l’accès au front, en 1916, les opérateurs du cinématographe sont confrontés à une deuxième contrainte : leur matériel n’est pas adapté. Ralentis par leurs caméras posées sur pied et actionnées par une manivelle, « sur le champ de bataille, avec des explosions autour d’eux, les opérateurs ont de grandes chances de se faire tuer. »

La solution trouvée par l’armée pour filmer l’intensité des combats, c’est donc de demander à des soldats de les reconstituer, notamment lors d’entraînements. Ces images mises en scène sont ensuite intégrées aux films d’actualités, diffusées à l’arrière. Pour Laurent Véray, l’objectif n’est pas de manipuler les spectateurs mais de « rendre visible par les moyens du cinéma quelque chose qui est réel, mais qu’on ne peut que difficilement filmer ».

On trouve tout de même quelques scènes authentiques de combats dans les archives de la première guerre mondiale. Elles sont très rares et ont notamment été filmées par l’armée française lors de la bataille de la Somme, en 1916, ou sur le chemin des dames, en 1917.