La ville de Paradise, symbole d’une Californie à la merci des flammes
La ville de Paradise, symbole d’une Californie à la merci des flammes
Par Pierre Bouvier
Située dans le comté du Butte, dans la vallée de Sacramento, la ville, qui déplore la mort de 29 habitants et 228 personnes manquantes, a été littéralement rayée de la carte.
Elle est devenue le symbole des incendies qui ravagent la Californie. La ville de Paradise et ses 27 000 habitants, située dans le comté du Butte, au pied de la Sierra Nevada, dans la vallée de Sacramento, a été littéralement rayée de la carte par « Camp Fire ».
Dans ce comté, le feu qui sévit depuis jeudi 8 novembre a fait au moins 29 morts. La plupart des corps ont été découverts à l’intérieur de maisons carbonisées à Paradise ou dans les alentours, ou dans les voitures avec lesquelles les habitants ont tenté de fuir les flammes, avant que celles-ci ne les rattrapent, écrit le Washington Post.
S’il s’alourdit, le bilan humain de cet incendie pourrait s’avérer encore plus lourd que celui provoqué par le « Griffith Park Fire » en 1993, qui avait fait 29 morts dans le comté de Los Angeles. Dimanche 11 novembre au soir, 228 personnes manquaient à l’appel, selon les autorités.
Lundi matin, la municipalité de Paradise a publié une première liste de 695 bâtiments endommagés à plus de 50 %, mais elle estime que plus de 6 700 structures sont endommagées ou détruites par le feu. Des maisons, en grande majorité.
La chaleur faisait cloquer la peinture des véhicules
Des pompiers à proximité d’un corps sous une bâche, à Paradise, le 11 novembre. / John Locher / AP
A Paradise – comme dans la ville de Malibu –, l’évacuation a été particulièrement difficile. Lorsqu’ils ont découvert les flammes à leurs portes ou reçu un SMS leur donnant l’ordre de partir, les habitants ont sauté dans leur véhicule pour rejoindre la Skyway, la quatre-voies reliant Paradise à Chico, distante de 15 miles (24 km), plus à l’ouest. C’est une des deux seules voies de circulation pour quitter la ville, et elle a immédiatement été engorgée. Ceux qui essayaient de fuir ont alors roulé pare-chocs contre pare-chocs, pendant des heures.
« C’était terrifiant, a raconté au Sacramento Bee Kelly Angel, une habitante de Paradise. Il y avait des flammes derrière nous. Les gens abandonnaient leur voiture et couraient. Ils conduisaient n’importe comment. » Christine Fitzsimmons et son mari David décrivent eux aussi, dans le San Francisco Chronicle, les flammes de chaque côté de la route serpentant sur une crête, la chaleur faisant cloquer la peinture de leur véhicule.
Greg Woodcox, toujours dans le San Francisco Chronicle, explique comment le véhicule de cinq personnes parties quelques secondes après lui depuis Edgewood Lane, une des rues de la ville, a disparu dans les flammes, précisant que s’ils étaient « partis quelques secondes plus tôt, ils auraient pu s’en sortir aussi ».
A l’hôpital local, l’Adventist Health Feather River Hospital, les membres du personnel soignant ont embarqué les patients dans leurs voitures pour leur permettre d’échapper aux flammes. Pour rejoindre la ville, les pompiers ont eux utilisé des bulldozers pour dégager les véhicules abandonnés. Tous racontent des scènes de fin du monde, l’air devenu irrespirable, « la fumée obscurcissant tout, transformant le jour en nuit ».
"Heavenly Father, please help us. Please help us to be safe," Brynn Parrott Chatfield said while evacuating the… https://t.co/dtkZPHJZYk
— KTLA (@KTLA)
Des exercices d’évacuation avaient été réalisés
Jody Jones, la maire de Paradise depuis 2014, qui était une spécialiste des questions de circulation, a travaillé pendant des années comme directrice régionale pour le ministère des transports de Californie. Après des incendies en 2008, qui avaient provoqué la destruction de plusieurs milliers d’hectares et l’évacuation de milliers d’habitants, la ville avait dressé un plan d’évacuation détaillé, accessible sur son site Web, qui prévoyait un départ ordonné des résidents, quartier par quartier. « Nous avons fait un exercice d’évacuation, il y a environ dix-huit mois », a même expliqué la maire au New York Times.
Mais jeudi matin, à mesure que l’incendie se propageait à toute vitesse, l’idée d’une évacuation en bon ordre s’est effondrée. Le fait qu’un grand nombre d’habitants soient des personnes âgées, Paradise étant devenue une destination très prisée des retraités, a sans doute encore ajouté aux difficultés.
Dix équipes de médecins légistes équipées pour réaliser des prélèvements ADN sont venues des quatre coins de la Californie pour aider les pompiers à passer les décombres au peigne fin, à la recherche de corps. D’autres équipes venues de l’université de Chico, de l’université de Reno et de l’université de Las Vegas (Nevada) sont attendues, ajoute le journal local, le Paradise Post. Le laboratoire de la police judiciaire du département de la justice de la Californie a également été mobilisé pour collecter l’ADN des membres de la famille des disparus. L’intensité du feu est telle qu’il est à craindre qu’il ne reste rien des corps carbonisés ou, au mieux, quelques ossements carbonisés, a prévenu le shérif Kory Honea, du comté de Butte.
Selon le service des pompiers de Californie (Cal Fire), « Camp Fire » avait détruit dimanche soir 113 000 acres (457 km2) et n’était maîtrisé qu’à 25 %. Plus de 4 500 soldats du feu, 571 véhicules et 21 hélicoptères étaient mobilisés pour tenter d’enrayer sa progression.
Carto des incendies en Californie, Camp fire et Woolsey fire, au 12 novembre 2018 / infographie Le Monde