Recherché dans son pays, l’ancien premier ministre de la Macédoine s’enfuit en Hongrie
Recherché dans son pays, l’ancien premier ministre de la Macédoine s’enfuit en Hongrie
Par Benoît Vitkine
Nikola Gruevski, sur qui pèsent plusieurs enquêtes judiciaires, a demandé l’asile politique à Budapest.
Nikola Gruevski, à Skopje, le 5 octobre. / ROBERT ATANASOVSKI / AFP
Son nom et son visage sont apparus, lundi soir 12 novembre, sur le site du ministère de l’intérieur macédonien, encadrés de ceux de meurtriers et de criminels endurcis recherchés de longue date par la police de ce petit pays des Balkans. En quelques minutes, Nikola Gruevski, tout-puissant premier ministre pendant dix ans, se muait en fugitif recherché.
Le lendemain, c’est sur Facebook que ses partisans – et ses non moins aussi nombreux détracteurs – ont reçu des nouvelles de l’ancien dirigeant nationaliste impliqué dans une multitude de scandales. « Ces derniers jours, j’ai reçu d’innombrables menaces pour ma vie, écrit M. Gruevski dans un post succinct. Je suis maintenant à Budapest et j’ai demandé l’asile politique aux autorités hongroises. Je resterai toujours fidèle à la cause de la Macédoine. Je n’abandonnerai jamais. »
On ignore encore les suites que donneront les autorités hongroises à cette demande d’asile, mais le cas Gruevski risque de devenir rapidement embarrassant pour Viktor Orban, le premier ministre hongrois, qui a toujours soutenu, par le passé, son ancien homologue.
Ancien patron du VMRO-DPMNE (le parti historique de la droite nationaliste), Nikola Gruevski, 48 ans, a gouverné son pays de 2006 à 2016, le plongeant année après année dans un trou noir démocratique fort éloigné des valeurs européennes qu’il promouvait publiquement. En octobre, il a été condamné en appel pour avoir reçu pour son usage personnel une Mercedes d’une valeur de 600 000 euros, payée sur les deniers publics.
Selon le jugement, M. Gruevski avait jusqu’au jeudi 8 novembre pour se présenter au pénitencier Chouto Orizari de Skopje. Jusqu’au bout, il a tenté de repousser l’échéance, mettant en avant ses obligations de député et interjetant un appel de dernière minute, vendredi. Le même jour, ses partisans parvenaient à faire échouer un vote révoquant son immunité parlementaire.
En vain. Constatant la disparition de l’ancien premier ministre, un tribunal de la capitale a lancé lundi un mandat d’arrêt contre lui. National, pour l’heure, mais la justice macédonienne avait déjà prévenu qu’elle ferait appel à Interpol si M. Gruevski fuyait le pays.
Une taupe au sein des services secrets
Nikola Gruevski n’en est qu’au début de ses ennuis judiciaires puisqu’il est poursuivi dans cinq autres affaires, concernant des faits de corruption, d’abus de pouvoir, de fraude électorale mais aussi d’écoutes illégales d’opposants ou de représentants de la société civile. La plupart de ces scandales avaient éclaté au fil de l’année 2016, révélés par une taupe au sein des services secrets proche de l’opposition.
Ils avaient contribué à la défaite électorale des nationalistes, fin 2016, et l’arrivée au pouvoir d’une coalition menée par le social-démocrate Zoran Zaev, soutenue par les partis de la minorité albanaise. Lors de la période transitoire, les deux camps s’étaient entendus, sous la pression des Occidentaux, sur la mise en place d’un procureur spécial indépendant chargé de faire la lumière sur les abus de la période Gruevski.
Cela n’a pas empêché l’ancien dirigeant, depuis, de dénoncer des « poursuites politiques ». Accusations encore répétées lundi par le nouveau dirigeant du VMRO-DPMNE, dont plusieurs autres anciens responsables sont menacés par des enquêtes judiciaires.
Ces guérillas judiciaires entrent en collision avec l’autre sujet chaud du moment à Skopje : la réforme constitutionnelle devant aboutir au changement de nom de la République de Macédoine en « République de Macédoine du Nord ». Ce changement, négocié avec la Grèce voisine, doit ouvrir à la Macédoine le chemin de l’Union européenne et de l’OTAN, mais il suscite une forte opposition des nationalistes.
Le 20 octobre, le gouvernement avait toutefois réussi à obtenir au Parlement une majorité des deux tiers en faveur de la réforme constitutionnelle. Le ralliement surprise d’une dizaine d’élus de l’opposition nationaliste avait provoqué les soupçons des observateurs quant à d’éventuelles promesses de mansuétude judiciaire.