Un panneau et un gilet jaune marquent l'emplacement du lieu de rassemblement du mouvement des gilets jaunes le 17 novembre, à Etain dans la Meuse le 11 novembre. / Olivier SAINT-HILAIRE/HAYTHAM-REA / Olivier SAINT-HILAIRE/HAYTHAM-RE

De la compréhension, mais pas de soutien. Les organisations de défense de l’environnement ainsi que les associations de lutte contre l’exclusion sont un peu embarrassées par la mobilisation des « gilets jaunes », prévue samedi 17 novembre, contre la hausse du prix des carburants, contre la taxe carbone, voire contre la fiscalité écologique.

Lors d’une conférence de presse, mercredi 14 novembre, les représentants de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), du WWF France, de l’Institute for Climate Economics (I4CE), de la Fondation européenne pour le climat, de la Fondation Abbé Pierre (FAP), du Secours catholique, de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et de la CFDT ont défendu la nécessité de « taxer la pollution, en accompagnant les ménages dans la transition écologique ».

« On comprend le mouvement, on le respecte, mais on n’appelle pas à le rejoindre », a précisé Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT. Il était difficile, en effet, pour ces organisations qui défendent activement le principe d’une fiscalité énergétique – « indispensable pour changer les comportements et orienter les investissements », selon Benoît Leguet (I4CE) –, de se ranger aux côtés de ceux qui font de la taxe carbone la cause principale de la baisse de leur pouvoir d’achat.

Besoin de financement de la transition écologique

Pour autant, les différents intervenants n’ont pas voulu rejeter ce mouvement, qui s’annonce massif, et ont insisté sur la nécessité d’expliquer davantage le besoin de financement de la transition écologique. Ils ont même vu dans la mobilisation des « gilets jaunes » un outil pour inciter le gouvernement à mieux accompagner cette politique. « Si le mouvement du 17 novembre a un intérêt, c’est bien celui d’avoir poussé le gouvernement à penser à des mesures d’accompagnement. Il a enfin compris que des mesures de redistribution étaient indispensables », a déclaré Audrey Pulvar, présidente de la FNH.

Dans un manifeste commun rendu public mercredi – signé aussi par d’autres organisations, comme le Réseau action climat, l’UFC-Que choisir, Générations futures, la Fédération nationale des usagers des transports… –, les associations font le lien entre les mobilisations citoyennes qui se sont déroulées dans de nombreuses villes pour la défense du climat, en septembre et en octobre, et celles programmées le 17 novembre. Evoquant « les blocages de route annoncés contre l’une des mesures incontournables de la lutte contre le changement climatique », elles estiment que, « loin de la contradiction apparente, (…) transition écologique et justice sociale sont compatibles ».

C’est le point sur lequel les intervenants ont le plus insisté. Le représentant du Secours catholique, Daniel Verger, a défendu des « mesures d’accompagnement ciblées sur les plus vulnérables », quand Dominique Allaume-Bobe (UNAF) a dénoncé la « triple peine » vécue par les familles rurales : « Absence de transports, disparition des services publics et fiscalité environnementale. »

« Insuffisant » mais « encourageant »

Réagissant au plan d’aides supplémentaires de 500 millions d’euros annoncé mercredi par le premier ministre, Edouard Philippe, les associations y voient un signe positif, « insuffisant » mais « encourageant ». Elles reconnaissent surtout au gouvernement le mérite de ne pas reculer sur la taxation carbone. « Dire que la taxe serait maintenue, malgré la grogne, n’était pas si évident, d’autres ne l’ont pas fait auparavant », a estimé Pascal Canfin, directeur général du WWF France, faisant sans doute référence à l’abandon de l’écotaxe sur les poids lourds décidé, fin 2014, par la ministre socialiste de l’écologie, Ségolène Royal, après la mobilisation des « bonnets rouges ».

Mais ce crédit porté à l’exécutif s’accompagne d’une série de revendications pour amplifier les mesures d’aide, de critiques contre des incohérences dans la politique de sortie des énergies fossiles, dénonçant notamment, pour certains, le fait que la prime à la conversion puisse servir à l’achat de véhicules diesel.

Surtout, tous ont revendiqué une plus grande visibilité dans l’affectation du revenu de cette taxe. « La solution aujourd’hui est claire : l’Etat, de façon transparente, doit utiliser une bien plus grande partie des recettes de la taxation de la pollution à soutenir les ménages », a déclaré Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat.