Boris Séméniako

C’était il y a un an, presque jour pour jour. Le ­28 novembre, le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, prononçait son discours programmatique sur l’Afrique depuis un amphithéâtre de l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso. Pour inscrire le continent dans l’écosystème des échanges étudiants, il appelait « les universités et les écoles françaises de commerce, d’ingénieurs, de management à ne pas perdre davantage de temps et à venir » monter des partenariats avec des établissements d’enseignement supérieur d’Afrique de l’Ouest, « pour développer ces parcours croisés auxquels aspirent nos deux jeunesses ».

Un an après, la carte des mobilités mondiales n’a pas été bouleversée. Du temps sera encore nécessaire avant que l’enseignement supérieur africain trouve toute sa place sur l’échiquier mondial, où 4,6 millions d’étudiants se déplacent, dessinant une internationale de la connaissance. Mais, premier indice d’un changement d’image, le nombre d’échanges financés par l’Europe vers cette zone, par le biais d’Erasmus +, a été multiplié par quatre depuis 2015. Et ce nouvel engouement des ressortissants européens est plus visible encore pour les étudiants de France, que l’Afrique de l’Ouest, Sénégal en tête, ne laisse plus insensibles.

INFOGRAPHIE « LE MONDE »

Dakar n’avait pourtant pas attendu ce début de XXIe siècle pour se rêver en « hub » universitaire. Au siècle dernier, celle qui aimait se faire appeler le « Quartier latin sénégalais » avait déjà les atouts d’une capitale intellectuelle. C’était à l’heure où Léopold Sédar Senghor, le poète théoricien de la négritude, avait fait d’elle une escale obligée, appuyant la réputation du lieu sur ses débats et son tissu d’établissements. La ville avait effectivement connu l’ouverture d’une école de médecine dès 1912, la mise en place de formations scientifiques haut de gamme à l’Institut des hautes études de Dakar en 1949 et la création de l’université dès 1957.

Pôle de convergence

Depuis cette époque, donc, Mali, Côte d’Ivoire, Cameroun, Gabon, Mauritanie et plus encore les pays du Maghreb se tournent vers l’enseignement supérieur sénégalais. Si cet attrait s’est un peu émoussé au tournant du siècle, le pays a commencé à l’aube des années 1990 « à redevenir un pôle de convergence des étudiants en provenance des pays francophones d’Afrique de l’Ouest désireux de poursuivre des études supérieures », comme le rappelait, en 2014, le démographe de l’université de Dakar Mohamadou Sall, dans un article de la revue Hommes & migrations (n° 1307) portant sur l’Afrique qualifiée dans la mondialisation. A ce moment-là, l’offre s’y renouvelle d’ailleurs complètement, puisque « cette période coïncide avec l’arrivée sur le marché de l’éducation des instituts d’enseignement supérieur privé ».

Aujourd’hui, leur liste est longue et variée, et il n’est pas rare d’y trouver plus de 20 % d’étrangers. Jusqu’à 40 % même, rappelle le chercheur, qui a constaté leur place dans les formations médicales ou scientifiques, surtout. Les nationaux, eux, ont encore du mal à préférer les sciences à la littérature, à laisser tomber les humanités classiques pour l’ingénierie, à l’heure où le pays se prépare à l’exploitation de ressources pétrolières. D’autant que cette optimisation du « capital humain » sera déterminante pour réussir l’atterrissage prévu pour 2035 dans le club des pays émergents.

Etudier à Dakar : le sommaire de notre série

Les étudiants d’Afrique de l’Ouest, mais aussi d’Afrique centrale, du Maghreb et d’Europe, se tournent de plus en plus vers l’enseignement supérieur sénégalais.

Un travail sur l’orientation s’impose donc comme un sujet nouveau. C’est l’une des questions qui seront discutées avec les étudiants et des personnalités françaises ou d’Afrique de l’Ouest, au cours de la quatrième édition des Débats du Monde Afrique, organisés les 22 et 23 novembre à Dakar.

Les Débats du « Monde Afrique » : à Dakar, deux jours consacrés à la jeunesse ouest-africaine

A Dakar, les 22 et 23 novembre, la quatrième édition des Débats du Monde Afrique sera placée sous le signe de « l’éducation et la formation des jeunes en Afrique de l’Ouest ». Consultez le programme et inscrivez-vous en cliquant ici.

Les débats et tables rondes qui ponctueront la première journée, au Grand Théâtre national de Dakar, porteront sur les apprentissages nécessaires au citoyen du XXIe siècle et sur les compétences qu’il doit développer pour traverser le siècle. Difficile aussi d’éluder les formations scientifiques, sans lesquelles les entreprises ne trouveront pas la main-d’œuvre nécessaire au développement des pays et qui se doivent d’être suffisamment attractives et ouvertes sur l’innovation pour séduire les générations nouvelles.

Au deuxième jour de l’événement, un focus particulier sera porté aux métiers du secteur de l’énergie, afin de comprendre quelles sont les formations d’avenir et les débouchés possibles. Les étudiants des universités sénégalaises seront les bienvenus au sein d’ateliers leur permettant de comprendre comment créer son propre emploi sur un continent où le salariat reste le maillon faible. Ce sujet sera discuté au sein de master class spécialement organisées à leur intention au sein des universités.