Le PCF s’apprête à tourner la page Pierre Laurent
Le PCF s’apprête à tourner la page Pierre Laurent
Par Abel Mestre
Le député du Nord, Fabien Roussel, devrait devenir secrétaire national à l’issue du congrès du parti qui commence le 23 novembre à Ivry-sur-Seine.
Pierre Laurent, lors de la Fête de « L’Humanité », en 2017. / THOMAS SAMSON / AFP
Pour le Parti communiste, c’est la fin d’une époque commencée en 2010. A l’issue du 38e congrès du PCF, qui se tiendra à Ivry-sur-Seine du 23 au 25 novembre, Pierre Laurent devrait céder sa place de secrétaire national qu’il occupe depuis huit ans, à Fabien Roussel, député du Nord.
Ainsi, le scénario privilégié est que M. Roussel figure en tête de la liste de direction qui doit être établie mardi soir lors de la commission des investitures. M. Laurent, lui, serait en numéro deux avec une fonction prestigieuse dans l’appareil. On parle de la présidence du Conseil national (le « Parlement » du parti). C’est le sénateur de Paris lui-même qui a annoncé cette possibilité dans un entretien à L’Humanité, lundi 19 novembre. « Je fais une proposition : que nous partagions la conduite de la liste. Personnellement, j’accepterai le choix de la commission et du congrès sur la répartition proposée. » Cette liste devra ensuite être adoptée par le congrès dimanche matin.
Une sortie par le haut − une seule liste − qui évite l’hypothèse que tout le monde rejetait : celle d’une opposition frontale entre les deux hommes. L’autre possibilité est que M. Laurent reste numéro un avec M. Roussel en seconde position, mais cela semble peu probable.
Une situation inédite, en tout cas, au PCF, où le dirigeant sortant est contraint de se retirer. C’est la conséquence du vote du 6 octobre où le texte défendu par la direction − appelé, dans le jargon communiste, « base commune » − a été mis en minorité par la contribution alternative intitulée « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle », emmenée notamment par Fabien Roussel et André Chassaigne, le président du groupe communiste à l’Assemblée nationale.
Les discussions ont été âpres pendant un mois et demi. N’ayant pas obtenu de majorité absolue (42,12 % contre 38 % des voix pour la « base commune »), les tenants du « manifeste » ont dû batailler avec l’équipe sortante qui estimait que Pierre Laurent était légitime à rester le plus petit dénominateur commun du parti. Parallèlement, plusieurs milliers d’amendements étaient déposés, au niveau des fédérations, pour modifier le texte choisi sur des points-clés. En clair : si les amis de Pierre Laurent veulent bien céder la première place, pas question de laisser tel quel un texte qu’ils jugent rétrograde à bien des égards notamment sur les sujets sociétaux, l’Europe, la nature du parti ou même son rapport à la défunte URSS…
Ils ne souhaitent pas, en effet, que leur formation politique, qui a eu tant de mal à se défaire de l’image du stalinisme, fasse un grand bond en arrière. « Les communistes veulent que le Parti communiste retrouve une présence et une influence plus fortes dans le débat politique, note Olivier Dartigolles, porte-parole et proche de M. Laurent. Il faut nous doter d’une direction en phase avec les orientations décidées. Pierre Laurent veut additionner les forces. C’est une attitude très responsable qui garantit l’unité. » Il ajoute néanmoins : « L’incarnation est importante, mais le collectif reste nécessaire. Il y a un besoin de changement, mais aussi un besoin d’expérience. Le secrétariat national n’est pas une sinécure, c’est du lundi matin au dimanche soir. » M. Roussel est averti : le noyau dur des sortants l’aura à l’œil.
« Double salto »
N’en déplaise à ses nouveaux alliés, Fabien Roussel, lui, veut apparaître serein et jure que tout se passe bien place du Colonel-Fabien. « Les communistes ont beaucoup parlé de contenu, le texte a été largement amendé sans être dénaturé. Tous les éléments de crispation ont été levés. On a réussi le double salto : rassembler, se retrouver et respecter les choix majoritaires qui sont d’un parti plus visible, plus dans l’action. »
Et s’il ne confirme pas (encore) qu’il sera le prochain secrétaire national, le truculent député assure, malgré tout, qu’il travaillera main dans la main avec Pierre Laurent et que l’objectif, à court terme, est de rentrer vite dans la campagne européenne avec une liste menée par Ian Brossat. Soit un discours… de dirigeant de parti.
Les défenseurs du « manifeste » sont, en effet, favorables à des candidatures communistes à toutes les élections pour que le PCF revienne sur le devant de la scène. L’année 2017 a été très mal vécue, avec une absence à la présidentielle et de mauvais résultats aux élections législatives (2,72 % des voix au premier tour) que la conservation d’un groupe à l’Assemblée nationale n’arrive pas à faire oublier.
« Tragicomédie »
L’accord entre ancienne et nouvelle majorité désespère, en tout cas, les défenseurs du « printemps du communisme ». Ce texte, qui a recueilli 11,95 % des voix est emmené par les députés Stéphane Peu (Seine-Saint-Denis) et Elsa Faucillon (Hauts-de-Seine). Il veut « rassembler les forces antilibérales » pour bâtir un « front commun », principalement avec La France insoumise. Soit un choix stratégique aux antipodes de celui de la nouvelle équipe qui entretient une franche hostilité envers Jean-Luc Mélenchon.
« On est sur de petits arrangements au sommet. C’est du grand n’importe quoi, une tragicomédie », lâche, dépitée, Elsa Faucillon qui avoue sa « sidération ». Elle continue : « C’est le rassemblement du statu quo et du retour en arrière. C’est une fusion contestable politiquement et démocratiquement. » Mme Faucillon et ses amis ne devraient donc pas participer à la nouvelle direction du parti. Ils réfléchissent, néanmoins, à présenter une liste alternative pour marquer le coup. Le congrès du Parti communiste est bien loin d’être terminé.