Mercredi 21 novembre, à 17 h 30, ce sera peut-être, enfin, l’heure de vérité dans la relation chaotique et envenimée, depuis plus d’un an, entre l’exécutif et l’Association des maires de France (AMF). Après de longues tergiversations, le bureau de l’AMF – une vingtaine de membres dont son président, François Baroin – se rendra à l’Elysée pour faire part de ses doléances au président de la République, Emmanuel Macron, entouré du premier ministre, Edouard Philippe, et de la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. L’occasion de se dire les choses en face, sans faux-fuyants, et de repartir sur des bases assainies. Ou pas.

A la veille de cette rencontre, mardi 20 novembre, à l’ouverture du 101e congrès des maires de France, le climat reste lourd et les contentieux multiples. Le chef de l’Etat n’interviendra pas, cette année, devant les congressistes – contrairement à ce qu’il avait promis – mais, après s’être entretenu avec le bureau de l’AMF, il a invité plusieurs centaines de maires à l’Elysée, où il doit prononcer un discours. Beaucoup d’entre eux ne s’y rendront pas. Le premier vice-président de l’AMF, André Laignel, estime qu’« on n’appâte pas les élus avec des sucreries ». « Certains d’entre nous sont invités au château, comme le suzerain convoque ses vassaux, raille le maire (PS) d’Issoudun (Indre). Cela fait plus Ancien Régime que nouveau monde. »

« C’est une chance pour l’Etat »

Dans un registre plus policé, mais non moins ferme, M. Baroin prévient qu’il ne répond pas à l’invitation du président de la République pour discuter, mais pour « négocier ». Et la base de négociation est, pour le moins, musclée. Pour l’instant, elle tient en quelques têtes de chapitre que le président de l’AMF décline : compensation intégrale de la suppression de la taxe d’habitation, révision constitutionnelle, retour aux engagements initiaux du chef de l’Etat sur les dotations aux collectivités, révision de la loi NOTRe, relance du logement, emplois aidés, contractualisation…

A l’issue de ce congrès, une résolution devrait être adoptée pour donner mandat au bureau de l’AMF d’élaborer une plate-forme de négociation. « Nous allons travailler avec les départements et les régions sur une plate-forme commune », prévient M. Baroin, déterminé à donner un contenu à l’alliance nouée fin septembre, sous le label Territoires unis, avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France. « Nous voulons une méthode de travail et un calendrier, ajoute le maire (LR) de Troyes. C’est une chance pour l’Etat, ce que nous proposons. A lui de s’en saisir, mais nous avons besoin d’une réponse sur tous ces sujets avant la fin du premier semestre 2019, parce qu’après nous entrerons dans la période pré-municipales. »

Interlocuteurs uniques

Les trois associations d’élus « historiques », appuyées par le président du Sénat, Gérard Larcher, entendent bien, désormais, s’ériger en interlocuteurs uniques de l’exécutif sur l’ensemble des sujets concernant les collectivités territoriales. Et, donc, évincer de la table des négociations les autres associations qui, jusqu’à présent, ont joué la carte du dialogue avec le gouvernement.

La présidente de Villes de France, Caroline Cayeux, présente au congrès, s’étonne de cet ostracisme, parfois assorti de menaces à peine voilées. « L’AMF, ce n’est pas tous les maires, rappelle la maire (LR) de Beauvais. Avec France urbaine, l’Association des petites villes de France, l’Assemblée des communautés de France, nous avons maintenu le dialogue. Je suis très étonnée que François Baroin amène l’AMF sur cette voie. Nous, nous travaillons sur des projets concrets, comme l’opération Cœurs de ville. J’aurais mauvaise conscience à faire la politique de la chaise vide. Je crois toujours au dialogue. »

M. Baroin balaie l’objection. « Ce que nous disons au gouvernement, c’est que l’AMF, l’ADF et Régions de France, nous sommes les trois associations d’élus généralistes, qui portons les intérêts généraux des collectivités. Il doit prendre en considération la plate-forme de négociation que nous porterons ensemble, assure-t-il. Après, cela n’empêche pas qu’il y ait des associations dédiées pour telle ou telle catégorie de collectivité, mais elles ne peuvent pas prétendre avoir la même représentativité. »

Deux tests majeurs détermineront la capacité de l’exécutif et des trois « historiques » à cesser de se regarder en chiens de faïence : la réforme de la fiscalité locale et la révision constitutionnelle. Pour M. Baroin, un principe simple doit guider les relations entre l’Etat et les collectivités : « Qui décide paye, qui paye décide. » Trop simple, peut-être, au regard d’une réalité complexe.