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La question n’est plus de savoir si la croissance mondiale va ralentir mais à quel rythme. Selon les derniers pronostics de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiés mercredi 21 novembre, la progression du produit intérieur brut (PIB) planétaire devrait s’établir à 3,5 % en 2019 et 2020, après 3,7 % cette année. Soit une baisse de régime en douceur.

Seulement, « l’économie globale navigue dans des eaux agitées » et « une accumulation de risques pourrait créer les conditions d’un atterrissage plus rude que prévu », met en garde la chef économiste de l’institution. Passage en revue de ces vents contraires que « certaines décisions politiques sont en train d’exacerber », selon la Française Laurence Boone.

  • Une escalade des tensions commerciales

La menace, récurrente, est tout sauf théorique. Les taxes douanières imposées par Donald Trump sur 250 milliards de dollars (219 milliards d’euros) de produits chinois importés, ainsi que la riposte de Pékin, devraient peser sur le commerce mondial, freiner la croissance et alimenter l’inflation. Déjà, les prix de certains produits ciblés par des nouveaux droits de douane américains – les lave-linge par exemple – ont grimpé fortement.

Or Washington n’exclut pas de taxer la totalité des importations chinoises, ce qui entraînerait des représailles immédiates. Dans un tel scénario, les Etats-Unis verraient le niveau des investissements reculer de 2 % et les prix à la consommation augmenter de presque 1 % en 2020 et 2021, calcule l’OCDE. Au risque de provoquer des effets en chaîne : une remontée plus rapide qu’attendu des taux d’intérêt américains, une appréciation du dollar et, au bout du compte, des sorties de capitaux dans les pays émergents comme il s’en produit presque à chaque fois que le billet vert se renchérit. Enfin, au niveau mondial, cet emballement pourrait affecter durablement la confiance des entreprises. Et les inciter à retarder leurs projets d’investissement.

  • Des vulnérabilités financières

La remontée des taux aux Etats-Unis est un développement inévitable pour une économie en forte croissance, où le chômage est au plus bas. Mais l’OCDE s’inquiète de la volatilité des Bourses et du risque d’une correction sévère sur les marchés en cas de resserrement brusque des conditions financières. Une menace d’autant plus aiguë que la valorisation de certains actifs sur les marchés actions, notamment dans le secteur des technologies, a battu des records historiques.

Une envolée soudaine des taux d’intérêt pourrait aussi avoir des répercussions sévères pour certains pays émergents. Notamment ceux présentant un profil vulnérable, parce qu’ils affichent des déficits ou sont lestés d’une vaste dette libellée en dollars. Les secousses des derniers mois, en Turquie et en Argentine, en ont donné un avant-goût. La contagion est restée limitée et l’impact devrait demeurer modéré pour la croissance mondiale. Mais les conditions pourraient changer si la confiance des investisseurs se détériorait durablement.

  • Les risques politiques en Europe

Les incertitudes sont vives sur le Vieux Continent, au moment où s’achèvent les négociations sur le Brexit dans le chaos le plus total. « Il est impératif que l’Union européenne et le Royaume-Uni fassent en sorte de conclure un accord qui maintienne une relation la plus proche possible entre les deux parties », exhorte Mme Boone. La chef économiste met aussi en garde contre l’exposition de certaines banques européennes à la dette souveraine, qui pourrait peser sur le crédit si les primes de risque se mettent à augmenter. Une allusion claire à l’Italie dont les établissements financiers sont truffés d’emprunts d’Etat.

  • La décélération de l’économie chinoise

La croissance chinoise a ralenti au cours de l’année 2018. Un coup de frein pour l’heure essentiellement lié aux restrictions engagées par Pékin depuis deux ans pour stopper la folle envolée du crédit. Mais alors que le conflit commercial s’envenime avec Washington, les autorités ont commencé à activer de nouvelles mesures de stimulus budgétaire et monétaire. Un soutien à la croissance qui remet à plus tard l’objectif de désendettement, en dépit des risques pour le système financier. Comme le souligne l’OCDE, le crédit au secteur privé demeure extrêmement élevé, à 160 % du PIB.

Mais tout aussi inquiétante est la menace d’une décélération plus franche de l’économie du géant asiatique. Elle aurait « des conséquences négatives importantes pour l’économie mondiale, particulièrement si la confiance des marchés financiers s’en trouvait heurtée », écrit le rapport.