Thierry Bolloré, le 21 novembre 2018. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Promotion éclair pour Thierry Bolloré. Adoubé dauphin de Carlos Ghosn il y a moins d’un an, le numéro deux de Renault a été propulsé sur le devant de la scène, mardi 20 novembre, en étant nommé directeur par intérim du constructeur automobile français à la faveur de la disgrâce de son PDG.

Arrêté au Japon pour soupçons de malversations et de fraude fiscale, Carlos Ghosn a été maintenu dans ses titres et fonctions, malgré son incapacité transitoire à diriger l’entreprise et sa garde à vue. M. Bolloré a toutefois, désormais, le rang de mandataire social et a donc tous les pouvoirs pour représenter son entreprise au conseil de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi aux Pays-Bas.

Dauphin de Ghosn

Thierry Bolloré, 55 ans, discret et assez peu connu du grand public, était, en effet, devenu directeur général adjoint du groupe en février dernier, ce qui avait été vu comme un adoubement au moment où l’Etat français, actionnaire influent du constructeur, souhaitait voir M. Ghosn préparer sa succession.

Thierry Bolloré, entré chez Renault en 2012 et nommé, l’année suivante, directeur délégué à la compétitivité, a connu une carrière très internationale, exclusivement dans l’automobile. Il arrive chez Renault au moment où le groupe est déstabilisé par l’affaire des faux espions chinois, impliquant des responsables du groupe. Cadre à haut potentiel, débauché de chez Faurecia, groupe français d’ingénierie et de production d’équipements automobiles, il va faire partie de cette nouvelle garde rapprochée, dont Carlos Ghosn s’entoure à un moment, car il a besoin de se rassurer sur la loyauté de son cercle de collaborateurs.

Très vite, le choix se révèle judicieux. Ce Breton, cousin lointain de Vincent Bolloré, est un pragmatique. Mais aussi un industriel dans l’âme. Détail important : il a commencé sa carrière en 1990 chez Michelin, où il croise le déjà très prometteur Carlos Ghosn, sans pour autant faire partie de son cercle proche.

Fin connaisseur de l’Asie

« L’une de ses forces, c’est qu’il a passé dix ans de sa carrière en Asie », souligne un bon connaisseur des arcanes de l’entreprise. De fait, son CV à la tonalité très asiatique (Japon et Thaïlande chez Michelin, Chine chez Faurecia) lui donne quelques atouts dans le cadre de l’Alliance Renault-Nissan. « Il a montré qu’il était capable de bien travailler avec les Japonais », avait alors déclaré à son propos M. Ghosn. « Les gens de chez Nissan ont du respect pour lui », selon un cadre de la firme au losange.

Le développement commercial en Chine est une priorité de l’entreprise et la relation avec les partenaires japonais est cruciale, alors qu’une crise de gouvernance pourrait menacer l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi après la perspective de l’éviction de Carlos Ghosn par Nissan.

Renault possède 43,4 % de Nissan, qui détient lui-même 15 % de Renault et 34 % de Mitsubishi, dont il est le premier actionnaire. L’alliance aux dix marques partage une large base industrielle commune et revendique depuis l’an dernier le rang de numéro un mondial de l’automobile, avec 10,6 millions de véhicules vendus.

Leadeur critiqué

Au sein du consortium franco-japonais, Thierry Bolloré est le chef d’orchestre du travail sur les synergies, en particulier les plates-formes techniques communes, qui permettent de construire plusieurs modèles sur une même base. Ces synergies sont devenues l’une des forces du groupe automobile. Elles généreraient chaque année cinq milliards d’euros de réduction de coût depuis 2016.

« Thierry Bolloré est apprécié et respecté en interne, explique un familier du nouveau numéro deux. Il est chaleureux. Contrairement à Carlos Ghosn, il tutoie facilement ses collaborateurs. » Son caractère réservé, voire modeste – « attentiste et fataliste », disent même ses détracteurs – a fait douter nombre d’observateurs sur sa capacité à devenir le patron de Renault. « Il sait décider, prendre des risques et dire non », répliquent ses soutiens. Des qualités de leadeur qu’il va avoir l’occasion d’exprimer plus tôt que prévu.

Quand Carlos Ghosn défendait son salaire
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