Netflix à la demande, série

Il a l’obsession du contrôle, ce qui se voit jusqu’à ses chaussures italiennes vernies et sa coiffure parfaitement gominée, d’où pas un cheveu ne dépasse. En quelques années, le « maigrichon » est devenu le « parrain » de la drogue de Guadalajara, au Mexique, au point de figurer en tête de liste des hommes à abattre pour la Drug Enforcement Administration (DEA), la brigade des stups made in USA.

En effet, Miguel Angel Félix Gallardo a su bâtir un empire qui aurait pu prospérer pour les siècles à venir, si cet ancien flic ne s’était pas laissé aller à son avidité. Mais son addiction au pouvoir était trop forte pour ses frêles épaules… Il doit son ascension à son flair hors norme et à sa façon de tuer – avec un détachement glacial – tous ceux qui ne croient pas en lui. Au début des années 1980, Gallardo, originaire de l’Etat de Sinaloa, a l’idée de ­réunir tous les « boss » qui ­contrôlent, chacun dans son coin, différents territoires (des plazas) du Mexique pour former une sorte d’« OPEP de la marijuana ». En effet, à cette époque, les cartels n’existaient pas encore et la ­cocaïne n’était pas encore « l’or blanc » qui allait détruire et ensanglanter le pays.

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Son atout ? « La meilleure beuh du monde » produite par son protégé Rafael Caro Quintero, un ­cultivateur de génie qui va réussir à faire pousser cette « herbe » sur des centaines d’hectares dans le désert. Incontrôlable et mégalo, ce paysan (incarné par Tenoch Huerta) va se prendre pour un Tony Montana dans Scarface – qui vient de sortir au cinéma – pour se donner une allure et séduire les jeunes filles de la haute société.

La came verdâtre de cette association inédite de malfaiteurs submerge les Etats-Unis. Les affaires de Gallardo prospèrent… Il n’a plus qu’à récolter, chaque semaine, des dizaines de millions de dollars et arroser – « nourrir des bouches », comme il dit – les policiers, les gouverneurs, le service de renseignement (la Direccion federal de seguridad, DFS) et des ministres très influents. Dans son monde, tout s’achète et tout le monde est corrompu. Mais tout va dérailler lorsqu’il va décider d’acheminer la cocaïne aux Etats-Unis pour le compte des Colombiens…

Au même moment, Enrique ­Camarena, un agent américain de l’embryonnaire DEA (créée en 1973), lui-même originaire du Mexique, débarque à Guadalajara. Pressé, frustré, moqué par ses collègues gringos, il a, lui aussi, une seule obsession : faire tomber le premier cartel du pays, dirigé par Miguel Angel Félix ­Gallardo et que ce truand retienne son nom. Flic ou pas flic, « Kiki » comme on le surnomme, interprété avec justesse par ­Michael Peña, va payer très cher de s’être frotté à ce genre de ­mauvais garçon…

Eric Newman, auteur et producteur de la série : « On voulait raconter l’histoire originelle qui ­allait mener à la guerre entre les cartels mexicains »

Narcos : Mexico est la quatrième saison de la série phare de Netflix. Ainsi, après s’être intéressé à la Colombie en mettant en scène le fantasque Pablo Escobar, patron du cartel de Medellin, et les frères Rodriguez Orejuela, les parrains de Cali, les auteurs se posent au Mexique et se penchent sur le parcours sanglant de Miguel Angel Félix Gallardo. Brillamment incarné par Diego Luna, qui a tenu le premier rôle dans Rogue One, le préquel de Star Wars, ce ­baron ne ressemble en rien à ses prédécesseurs : solitaire, peu bavard, discret, il est montré comme un dangereux stratège, qui peut, étonnamment, faire preuve d’une extrême naïveté.

Une histoire véritable

« On continue de suivre la route sud-américaine de la cocaïne, ­explique Eric Newman, l’auteur et producteur de la série que Le Monde a rencontré, en octobre, à Cannes, lors du marché inter­national des contenus audio­visuels (Mipcom). On voulait raconter l’histoire originelle qui ­allait mener à la guerre entre les cartels mexicains. »

Comme les trois précédentes saisons, Narcos : Mexico se fonde sur une histoire véritable, celle du mano a mano entre Gallardo et « Kiki », « qui va mal se finir », prévient la voix off dès le début du premier épisode. « Nous avons une obligation de raconter la ­vérité », assure Eric Newman. La puissance de Narcos se situe dans sa narration, qui s’appuie sur des images d’archives donnant à cette fiction un côté documentaire. Et ces images arrivent à l’écran à ­chaque fois où l’on se dit :

« Ce n’est pas possible ! »« Elles rappellent aux gens que malgré l’absurdité de ce vous voyez, tout est arrivé ; c’est presque un rappel nécessaire, ­lance-t-il. Ce qui compte, c’est l’authenticité. C’est pour cela que c’était important de tourner au Mexique. Je crois que le public aime être transporté là-bas. »

Comme pour les autres saisons, la violence est sublimée par une réalisation parfaite et spectaculaire (des plans-séquences à couper le souffle). « Mais je fais attention à ne pas rendre ces chefs de cartel glamour, je ne dis pas qu’ils sont cool, prévient Eric Newman. On les humanise. On peut se dire que cette série est une célébration des narcos, mais, pour moi, elle pointe les échecs systémiques des politiques de lutte contre le trafic de drogue, une guerre que nous ne pouvons que perdre. » La saison 5 est déjà en production.

Narcos: Mexico | L'agent Kiki Camarena [HD] | Netflix
Durée : 01:01

Narcos : Mexico, série créée par Carlo Bernard, Chris Brancato et Doug Miro. Avec Diego Luna, Michael Peña (Mex./EU, 2018, 10 × 60 min environ). www.netflix.com/fr