« Héroïques » : un hommage au courage et à l’humilité
« Héroïques » : un hommage au courage et à l’humilité
Par Antoine Flandrin
Un documentaire donne la parole à des personnes ordinaires qui ont sauvé des vies lors d’attentats terroristes, d’accidents ou de catastrophes naturelles.
Le 26 juillet 2008, une tempête se lève sur le lac Spray, au Canada, dont la température descend au-dessous de – 5 0C. Un couple de randonneurs en canoë est pris au piège. Leurs cris de détresse attirent l’attention d’une cycliste, Casey Peirce, qui se jette dans l’eau gelée pour leur porter secours. Au prix d’un effort surhumain, elle va parvenir à rejoindre à la nage le couple paralysé par le froid, à saisir la corde à l’extrémité de l’esquif et à les traîner sur un kilomètre pour les ramener à la berge.
Dans des situations de vie ou de mort, des hommes et des femmes sont prêts à se sacrifier pour sauver des vies. Dans quelles ressources vont-ils puiser leur courage ? A quel moment décident-ils de braver le danger ? C’est à ces questions que répond le documentaire de Guy Beauché. Le réalisateur donne la parole à des personnes ordinaires qui ont manifesté leur bravoure lors d’attentats terroristes, d’accidents ou de catastrophes naturelles.
Franck Terrier raconte ainsi comment, le 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais de Nice, il est monté sur le marchepied du camion-bélier pour tenter de stopper sa course meurtrière. Selon lui, les valeurs d’entraide qu’on lui a enseignées, sa connaissance des poids lourds – son père était chauffeur routier – et le fait que son fils ait été présent sur la promenade des Anglais l’ont poussé à agir. Agent d’entretien au World Trade Center, William Rodriguez explique, lui, avoir accompagné les pompiers à travers les étages pour les aider à évacuer les tours, quelques minutes avant leur effondrement, le 11 septembre 2001. « La peur est là, mais la compassion est plus forte », assure-t-il.
Autant qu’un récit de sauvetages, Héroïques s’apprécie comme un hommage. Un hommage au courage et à l’humilité de ces personnes qui refusent qu’on les appelle des héros, à l’instar de l’ancien journaliste du Monde, Daniel Psenny, qui porta secours à un blessé lors de l’attentat du Bataclan, le 13 novembre 2015. « L’héroïsme est à relativiser. Il y a là du courage », insiste-t-il.
Compassion et altruisme
Constitué d’images d’archives et de scènes de reconstitution, ce film réserve une place de choix à Abigail Marsh, professeure de psychologie et de neurosciences à l’université de Georgetown, dont les explications permettent de comprendre les mécanismes qui s’enclenchent chez les sauveurs. L’amygdale envoie un signal à une région du cerveau – l’hypothalamus – qui prévient le rein. Les glandes surrénales libèrent ensuite de l’adrénaline et du cortisol. « Les personnes altruistes libèrent encore plus d’adrénaline lorsqu’elles portent secours », souligne Abigail Marsh.
D’autres schémas explicatifs, plus traditionnels, relevant de la croyance, sont abordés. Ishwor Ghimire raconte ainsi comment Dieu lui a fait oublier qui il était, pour sauver la vie d’orphelins, lors du tremblement de terre au Népal, le 25 avril 2015.
Le film se montre cependant moins précis lorsqu’il s’agit d’expliquer les différents traumatismes qui surgissent dans l’après-coup, lorsque le sauveur réalise la gravité de ce qu’il vient d’accomplir. Des précisions auraient été utiles pour comprendre les différents mécanismes psychologiques et physiologiques qui se mettent alors en place : ceux qui, par exemple, ont plongé Ingrid Loyau-Kennett dans une immense tristesse après avoir défié deux terroristes qui venaient de tuer à coups de couteau un soldat britannique, le 12 mai 2013, à Londres. Le film n’en reste pas moins profond, donnant à réfléchir aux notions d’entraide, de compassion et d’altruisme.
Héroïques, de Guy Beauché (France, 2018, 62 min).