Les départements refusent de payer le surcoût du Grand Paris Express
Les départements refusent de payer le surcoût du Grand Paris Express
Par Grégoire Allix
Alors que la ligne 14 sud coûtera presque 25 % plus cher que prévu, le gouvernement veut puiser dans les droits de mutation des collectivités.
Un ouvrier sur le tunnelier d’une future ligne du Grand Paris Express, le 23 janvier 2018 à Champigny-sur-Marne. / THOMAS SAMSON / AFP
Le titre du communiqué, en lettres capitales, sonne comme une déclaration de guerre : « La RATP creuse le déficit de la Société du Grand Paris. » Signé jeudi 29 novembre par les sept présidents de départements d’Ile-de-France – hors Paris –, le texte dénonce la hausse des coûts de l’extension vers le sud de la ligne 14 du métro.
Un dérapage de 500 millions d’euros, un demi-milliard, sur un budget prévu de près de 2,2 milliards d’euros pour quatorze kilomètres de ligne. Presque 25 % de hausse… Financée par la Société du Grand Paris (SGP), chargée de réaliser les 200 kilomètres du Grand Paris Express, la ligne 14 sud, censée entrer en service en 2024, est placée depuis 2015 sous la maîtrise d’ouvrage de la RATP.
Colère contre l’Etat
La question, abordée lors du conseil de surveillance de la SGP, mercredi 28 novembre, a réveillé la colère des présidents de département contre l’Etat. Celui-ci a décalé l’ouverture de plusieurs lignes pour limiter la dérive des coûts du supermétro, dont la facture est passée de 25 milliards en 2013 à 35 milliards d’euros en 2017. Si la RATP fait une cible d’autant plus tentante qu’elle était en 2015 présidée par Elisabeth Borne, désormais ministre des transports, c’est bien l’Etat que visent les élus franciliens.
En cause : la convocation des présidents de départements par Mme Borne, vendredi 30 novembre. Le gouvernement veut, en effet, puiser dans les droits de mutation perçus par les départements pour compléter les recettes insuffisantes de la SGP.
« Ces droits de mutation servent à financer nos politiques sociales, à un moment où le paiement du RSA rend les départements exsangues », s’emporte François Durovray (LR), le président de l’Essonne. « L’Etat a refusé cet été qu’un président de département prenne la présidence de la SGP, nous a interdit d’exercer la compétence sur les transports en 2015 et veut désormais qu’on paye la note ! »
Accroître les recettes
Le rejet est d’autant plus vif que le Parlement examine en ce moment même, dans le projet de loi de finances, des mesures fiscales préconisées par le député Gilles Carrez (LR) pour accroître les recettes de la SGP.
Mais là où M. Carrez souhaitait augmenter ces revenus de près de 250 millions d’euros par an, les mesures votées sont plus proches de 130 millions : le gouvernement a refusé d’alourdir une taxe portant sur les ménages et limité la hausse de la taxe de séjour. « Il y a encore des marges, on peut accroître davantage la taxe sur les parkings des centres commerciaux, ce serait une fiscalité écologique », plaide Christian Favier (PC), président du Val-de-Marne.
La RATP, de son côté, dément tout « dérapage » et pointe une hausse des coûts de main-d’œuvre et de matières premières, qui s’est traduite par des réponses plus chères qu’attendu lors des appels d’offres. Reste que cette polémique fait mauvaise impression, quelques jours après l’envoi par le premier ministre d’un courrier au président du directoire de la SGP, Thierry Dallard, le rappelant à ses obligations de « réduire d’environ 10 % le coût » du projet en présentant « des leviers d’optimisation détaillés ».